Des archives découvertes dans un immeuble des services secrets libyens à Tripoli par l'organisation de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch (HRW), sont rendues publiques par la presse. Américains et Britanniques ont coopéré étroitement dans le passé avec les services de renseignement du colonel Mouamar El Gueddafi, la CIA allant jusqu'à livrer des prisonniers au régime libyen pour interrogatoire, ont rapporté hier des quotidiens. Le journal britannique The Independent et le Wall Street Journal américain ont eu accès à des archives découvertes dans un immeuble des services secrets libyens à Tripoli par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW). Sous l'administration de l'ancien président George W. Bush, la CIA a livré de présumés terroristes au régime du colonel El Gueddafi en suggérant les questions que les Libyens devaient leur poser, rapporte le Wall Street Journal en citant des documents découverts au siège de l'agence de la sécurité extérieure libyenne. En 2004, la CIA avait même établi «une présence permanente» en Libye, selon une note d'un haut responsable de l'agence américaine, Stephen Kappes, adressée au chef des services secrets libyens de l'époque Moussa Koussa. Suggérant des relations étroites entre les deux services, la note débute par «Cher Moussa» et est signée «Steve», indique le Wall Street Journal. Un responsable américain cité par le journal rappelle qu'à cette époque la Libye tentait de rompre son isolement diplomatique face à l'Occident. «En 2004, les Etats-Unis avaient réussi à convaincre le gouvernement libyen de renoncer à son programme d'armes nucléaires et d'aider à arrêter les terroristes qui visaient les Américains», selon ce responsable s'exprimant sous couvert d'anonymat. Le quotidien The Independent publie des informations similaires, et pointe les relations entre les services libyens et britanniques à la même époque. Il cite un document américain classé «secret» annonçant que les services américains étaient «en mesure» de livrer «physiquement» aux Libyens un homme, Cheikh Moussa, présenté comme membre d'un groupe lié à Al Qaîda. Des vols secrets américains ont transporté des dizaines de suspects de terrorisme dans le monde entier à la suite des attentats du 11 septembre 2001, pour être interrogés dans des pays tiers. Selon The Independent, la Grande-Bretagne a communiqué à l'époque des informations sur des opposants en exil du régime El Gueddafi. Dans une lettre du 16 avril 2004, les services secrets britanniques informent leurs homologues libyens qu'un militant libyen vient d'être libéré en Grande-Bretagne. Plusieurs documents ont trait à la visite très médiatisée du Premier ministre britannique Tony Blair à Tripoli en 2004, montrant que c'est M. Blair qui a insisté pour être reçu par El Gueddafi sous sa tente, une note assurant même que «les journalistes allaient adorer». Selon les notes retrouvées à Tripoli, les services secrets britanniques ont aussi aidé à rédiger le discours où El Gueddafi annonçait qu'il renonçait aux armes de destruction massives. Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a refusé hier de commenter des informations, qui «remontent à l'époque d'un gouvernement précédent» (celui de Tony Blair, ndlr). «Je ne peux faire aucun commentaire sur les questions de renseignement», a-t-il indiqué sur Sky News. Selon le journal, les archives comprennent des lettres et fax adressés à Moussa Koussa, portant les mentions «Salutations du MI6» (services secrets britanniques) ou même une carte de voeux pour Noël d'un agent britannique signée «votre ami». Moussa Koussa, chef des services de renseignement libyens de 1994 à 2009, puis ministre des Affaires étrangères, est arrivé à Londres le 30 mars après avoir fait défection, et est reparti libre vers le Qatar.