La focalisation sur le Sahel représenté comme un «nouvel Afghanistan» n'est pas dépourvue d'arrière-pensées. Ils sont nombreux les Etats qui cherchent donc à se positionner au Sahel, ce couloir stratégique. Le but étant de sécuriser leurs approvisionnements en matières sensibles, énergétiques et minérales. Il s'agit du Golfe de Guinée pour les débouchés américains, vers le Sahara et la Méditerranée pour l'Europe enfin vers la mer Rouge pour l'Asie. De ce fait, la région du Sahel jouit de la qualité d'être un espace vulnérable du fait même de sa géopolitique saharienne. Il est même sous- administré et sous-défendu. Il développe une conflictualité endémique sur laquelle les différents acteurs ont peu de prise. Il va sans dire que l'arc sahélien, zone de vulnérabilités et sous-défendue, attire, grandement, toutes les convoitises du fait des richesses de son sous-sol et des futurs projets de désenclavement des ressources énergétiques. Sur ce volet, Mehdi Taje, chargé des études africaines à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire de Paris, a indiqué dans une enquête sur les enjeux et les intérêts faisant courir les puissances étrangères au Sahel, que ces dernières «disposent des moyens de corrompre, de créer des leurres, de posséder une armée privée, d'armer des rébellions et des dissidences, etc.». Ainsi, il a relevé que la menace terroriste sur le Sahel est amplifiée, voire nourrie, afin de permettre à des Etats en rivalité pour la prise de contrôle des richesses, de se positionner économiquement et militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l'océan Atlantique à la mer Rouge et offrant la possibilité de peser sur les équilibres géopolitiques et énergétiques du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. Dans le même ordre d'idées, l'expert a noté que les ressources, se trouvant au Sahel, sont à l'origine de cette vive concurrence internationale des pays comme les USA, la France, la Chine. Pour toutes ces raisons, un grand jeu est en train de se préparer. Les pions sont mis en place progressivement, entre les Etats-Unis et la Chine. A titre illustratif, le rapport de l'institut de recherche français (Irsem) a mis en évidence la vive rivalité américano-chinoise au Soudan dans un cadre plus global: «Le Soudan est un test dans le rapport entre ces deux puissances à l'égard du Sahel et du continent africain: en ce sens, la stratégie déterminée des Etats-Unis au Soudan viserait à contrer la puissante poussée géopolitique chinoise en Afrique en remettant en cause les fondements de la stratégie chinoise en Afrique, à savoir la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, le respect de la souveraineté.» Pour ce qui est de la Chine, il a estimé que c'est une norme constructive et non destructive, contrairement aux Américains qui veulent défendre les réserves pétrolières et les autres richesses pour sécuriser leur avenir et la France qui veut défendre son hégémonie sur les pays de la région, en tant qu'ancienne puissance colonisatrice. Donc l'enjeu est uniquement économique. S'agissant de la menace terroriste, Mehdi Taje a fait savoir qu'il faut lutter de manière intelligente contre ce phénomène tout en favorisant le développement de ces sociétés, en donnant les moyens à ces Etats d'assurer leur souveraineté sur l'ensemble de leur territoire. Selon lui, une telle démarche permettra le développement de la sécurité durable et de la sécurité humaine. Mais certainement pas en se lançant dans une guerre contre le terrorisme qui ne ferait qu'amplifier la dynamique en cours. Sans pour autant nier l'existence des éléments se réclamant du terrorisme djihadiste et sillonnant la bande sahélienne, néanmoins, l'expert de l'Irsem a précisé que la focalisation par les Occidentaux sur le Sahel représenté comme une sorte de «nouvelle zone tribale à la pakistanaise» d'où pourraient provenir de lourdes menaces, n'est pas neutre et dépourvue d'arrière-pensées. Il s'agit de ne pas se laisser abuser par l'épouvantail Al Qaîda!