La lecture a pour matrice l'école. L'objectif stratégique est de familiariser les élèves avec les classiques de la littérature universelle. Former des lecteurs invétérés n'est pas facile de prime abord. La problématique présente plusieurs variables: l'Etat dans son soutien au livre (et au contrôle de certaines normes?!), les éditeurs pour les volets éthique et professionnalisme, l'institution scolaire et universitaire pour l'initiation, la consolidation/approfondissement du "savoir lire'' et enfin la famille pour la préparation et l'encouragement de l'enfant. Par souci de clarté, nous devons revenir aux sources mêmes des deux attributs de la lecture/plaisir: le "savoir-lire'' et le "vouloir-lire''. L'un conditionnant l'autre. Reste le "pouvoir-lire'', au sens économique du terme, qui risque de tout fausser: le prix, la qualité des ouvrages et l'accès de tous aux espaces de lecture (librairies, bibliothèques...). Mais qu'en est-il de la cible première, celle qui dessine le futur lecteur, le futur auteur, le futur éditeur? L'enfant. La langue écrite ne peut être maîtrisée par l'enfant que suite à une prise en charge éducative. Il est utile de souligner les deux niveaux d'intervention indispensables. Ils sont animés par un enseignant de langue, lui-même féru de lecture. Nous avons, d'un côté, le processus d'enseignement/apprentissage boosté par les méthodes interactives et non dogmatiques. Nul ne peut nier que la phase d'apprentissage/initiation est la clé qui peut (ou non) ouvrir l'appétit à la lecture. En faire un reflexe durable. De tout temps, la sagesse pédagogique la décrit (cette phase) comme étant la plus décisive de la scolarité. De l'autre, les activités libres basées sur la motivation (le coin lecture, la bibliothèque de la classe, les exposés face aux camarades, la production de textes libres, les ateliers de lecture/écriture, théâtre, chorale, l'imprimerie à l'école, la correspondance interscolaire, le journal de la classe...). Quant à la famille, son rôle est inestimable dans la préparation de l'enfant à son adaptation scolaire et à son contact avec l'écriture/lecture. Elle doit agir par imprégnation et non par apprentissage lequel sera du ressort de l'institution éducative. A la maison, l'enfant sera familiarisé au code écrit, étant habitué à voir des parents qui lisent, une bibliothèque débordant de livres de contes, revues, journaux, Beaux Livres, encyclopédies. Une fois (pré)scolarisé, il ne sera pas mis en difficulté devant cet outil magique qu'est l'écriture/lecture. Il sera plus à l'aise dans ses apprentissages que celui issu d'un milieu socioculturel défavorisé. N'est-ce pas que l'école a pour noble mission de gommer cette inégalité de départ? On ne saurait occulter l'aspect professionnel et éthique des éditeurs et des auteurs quand il s'agit de nourrir l'esprit et le coeur des enfants. Ils sont astreints à un véritable cahier des charges imposé par les exigences de la psychologie de l'enfant et de la pédagogie scolaire. Nous les résumerons de façon succincte: - Exigences de qualité littéraire, pas de facilité ou de négligence mais beauté d'un langage et de thèmes accessibles à la tranche d'âge ciblée. - Respect des centres d'intérêt qui ne sont pas ceux d'un adulte et qui varient selon les âges et les milieux. - Valeurs humanistes à transmettre. Aborder des thèmes attrayants qui facilitent l'insertion progressive, tant sociale que culturelle, de l'enfant/adolescent dans le monde des adultes; exigence esthétique ensuite: perfection graphique du livre, présentations et illustrations soignées en harmonie avec le thème de l'ouvrage. On ne peut conclure sans mettre en garde contre un fléau qui mine les sociétés et les civilisations. Il s'agit d'ouvrages pour enfants, inaccessibles à leurs capacités intellectuelles et étrangers au monde de l'enfance. Des livres qui asphyxient le poumon (la culture) en le privant d'oxygène (l'esprit). Là, nous nageons en pleine "pédagogie noire''. Funeste!