Les Tunisiens sont appelés à élire une assemblée constituante de 218 membres, qui devra rédiger une nouvelle Constitution pour le pays. 1600 listes candidates, 105 partis et des dizaines de formations indépendantes... Huit mois après la chute du régime Ben Ali, les Tunisiens, appelés à élire le 23 octobre une assemblée constituante, vont devoir se déterminer dans un paysage politique extrêmement complexe. «Fut un temps où voter se résumait à mettre un bulletin mauve (la couleur fétiche de l'ex-président Ben Ali, ndlr) dans une enveloppe transparente. Et maintenant? il va falloir choisir entre 100 bulletins?» s'amuse Amel, une infirmière de 40 ans. Signe de vitalité démocratique pour certains, d'absence de projet politique pour d'autres, la prolifération des partis et mouvements indépendants sur la scène tunisienne donne le tournis à moins de 45 jours du scrutin. Les Tunisiens sont appelés à élire une assemblée constituante de 218 membres, qui devra rédiger une nouvelle constitution pour le pays. Plus d'un tiers des électeurs ne savent pas encore pour qui ils voteront, tandis que 60% semblent méconnaître le rôle et les attributions de la future constituante, selon de récents sondages. «Le grand nombre de listes a effectivement de quoi troubler l'opinion publique, mais nous comptons sur la maturité des citoyens pour que leurs voix se concentrent sur les organisations les plus crédibles, porteuses de vrais projets de société et de programmes», espère Mustapha Ben Jaafar, président du parti Ettakatol (gauche). C'est le pari que font quatre ou cinq formations historiques tunisiennes, qui misent sur leur passé d'opposants à Ben Ali pour rassembler les suffrages. Ainsi, Ennahda, le mouvement islamiste régulièrement donné pour vainqueur de l'élection, ne cache pas que la répression subie sous l'ancien régime est son passeport pour la notoriété. «Nous avons mis en tête de liste des militants qui ont fait de la prison sous Ben Ali et qui sont connus pour ça», indique le leader du mouvement Rached Ghannouchi. «Il y a à l'heure actuelle plus de 100 partis, mais les électeurs se détermineront entre deux grandes tendances: les islamistes et le courant démocratique, dont nous sommes le fer de lance», affirme pour sa part Ahmed Nejib Chebbi, fondateur du Parti démocrate progressiste (PDP). Mais pour Abdelfattah Mourou, co-fondateur d'Ennahda, qui se présente en indépendant, «le Tunisien va avoir du mal à saisir ce qui différencie fondamentalement les partis, qui se présentent à cette constituante avec peu ou prou les mêmes slogans: liberté, démocratie, refus du retour de l'arbitraire... «Pour lui, la constituante est un 'tremplin'' avant les «vrais rendez-vous législatifs et présidentiel», et «il faudra du temps avant de saisir les vrais enjeux électoraux». Les leaders des grandes formations s'accordent néanmoins sur un point: après le scrutin du 23 octobre, à la proportionnelle au plus fort reste, que le paysage politique s'éclaircira par le jeu des alliances, et nombre de nouvelles formations «fantaisistes» disparaîtront. Ils citent le cas de l'UPL (Union patriotique libre), un parti dirigé par un jeune homme d'affaires, Slim Riahi, qui a acquis une subite notoriété grâce à un matraquage publicitaire intensif. Quoi qu'il en soit, la pléthore de candidats fait de ces premières élections post-Ben Ali, un véritable casse-tête logistique. Avec 27 circonscriptions sur le territoire national et six à l'étranger, le nombre de candidats au total avoisine les 10.000. A partir du 1er octobre, début officiel de la campagne, les médias publics nationaux diffuseront les 3 minutes de message électoral octroyés à chaque liste. «On aura trois heures de message politique par jour!» calcule Larbi Chouikha, membre de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). «Il y a un risque de saturation, mais nous vivons une période exceptionnelle. Nous sommes en plein balbutiement démocratique, et c'est excitant», conclut-il.