Nombreux étaient les lecteurs qui ont afflué vers le stand de Chihab Editions au Sila vendredi dernier, dans l'après-midi. Le rendez-vous avec l'écrivain Badr'Eddine Mili a donné lieu à une ambiance bon enfant et après moins de trois heures, le stock des exemplaires du nouveau-né de cet auteur a été épuisé. Le deuxième roman de Badr'Eddine Mili n'est en fait qu'une suite logique du roman qu'il a signé il y a deux ans, intitulé «Brèche et rempart». C'est avec une grande disponibilité et égale humilité que l'auteur nous parle de son nouveau roman au milieu des va-et-vient incessants des visiteurs très nombreux du Sila. L'écrivain d'origine constantinoise explique d'emblée que son roman couvre la période qui va des années soixante jusqu'au début des années quatre-vingt. La fiction inspirée de faits réels est divisée en deux parties: «Au pays du frère militant» puis «Voyage dans les miroirs du Grand Frère». Le livre revisite les principaux épisodes de la grande aventure des premières années de l'Indépendance et s'intéresse particulièrement aux premiers pas, à la pensée, à l'action et aux ambitions des composantes les plus représentatives du mouvement social de l'époque, notamment les mouvements ouvriers et estudiantins porteurs d'un idéal révolutionnaire mis à l'épreuve de stratégies, de politiques et d'alliances nationales et internationales complexes, contradictoires et souvent déroutantes. Stopha, grandi dans le culte des valeurs nationalistes et progressistes de la famille Hamadène, forgées au cours des luttes populaires pour la libération, entre à l'Université d'Alger en octobre 1962, convaincu que l'Algérie, ce pays continent, organisé pour la première fois de son histoire en République dans des frontières sans précédent, allait lui ouvrir les portes de l'accomplissement en mettant fin à l'inégalité des chances et au pouvoir de l'argent comme promis par «l'acte fondateur de la Nuit du Phénix». Badr'Eddine Mili souligne que malgré le choc provoqué par les conditions dans lesquelles fut installé l'embryon de l'Etat indépendant et plus du tout ingénu, son personnage s'engage de façon réfléchie, dans l'action militante, en s'appliquant avec ses nouveaux amis Sirhan, Badis, Saha, Manou à «lever le peuple aux valeurs supérieures grâce aux vertus de la maïeutique socialiste censée avoir suffisamment de force pour venir à bout des aliénations héritées de l'ancien système». Badr'Eddine Mili ajoute: «Bourdonnant d'idées nouvelles germées dans le terreau de la victoire sur le colonialisme, El Acima et le pays vivent au rythme du socialisme autogestionnaire dans un climat de Révolution débridée, chantée par Kateb Yacine, Malek Haddad, Bachir Hadj Ali, Mourad Bourboune, Djamel Amrani, Mustapha Kateb, Jean Sénac, Ahmed Azegagh, Anna Greki, Safia Kettou, Mustapha Toumi, Mohamed Boudia, Issiakhem, Nadia Guendouz et Youcef Sebti, l'enfant d'El-Milia qui voulait changer le sexe des astres». Mais l'euphorie portée par la théorie excitante mais illusoire du socialisme fera long feu et Stopha finira après la fin des désillusions par écrire une lettre pour dire qu'il faut reconnaître que «nous qui nous targuions d'être les éclaireurs du peuple avions notre part de responsabilités dans l'échec du socialisme. Parce que d'abord, nous avons accepté d'être des intermittents du spectacle et des Don Quichotte interdits d'accès au cercle où se prenaient les véritables décisions». Le roman Miroirs aux alouettes raconte les espoirs et les illusions de toute une génération de jeunes qui croyaient aux merveilles du Jardin des Hespérides. L'auteur nous confie que son roman répond aux exigences morales d'un projet qui se propose de rendre justice à ces militants intellectuels qui «refusaient d'être des scribes attirés par les lambris des salons de la nouvelle république, entendant, en défricheurs téméraires de nouvelles terres, forger le destin d'un pays défiant les frontières, les pôles, les fuseaux, les équinoxes, les latitudes et les longitudes».