Les combattants du nouveau pouvoir en Libye cernaient mercredi dans le centre-ville de Syrte le tout dernier carré de fidèles du dirigeant déchu Mouammar Kadhafi, désormais réduit à trois pâtés de maisons en bord de mer. Le Conseil national de transition (CNT), l'ex-rébellion qui a renversé le régime Kadhafi, attend la chute de Syrte, à 360 km à l'est de Tripoli, pour proclamer la «libération totale» du pays et reprendre ses discussion en vue de former un gouvernement chargé de gérer la transition. En fin de journée, des combattants du CNT célébraient la victoire à venir sur la place centrale de Syrte à bord de dizaines de véhicules, en klaxonnant et en tirant en l'air à la mitrailleuse lourde. Les combats se sont concentrés dans l'après-midi dans le «Quartier n°1», non loin du bord de mer dans le nord-ouest de la ville, selon les agences de presses internationales. Les affrontements, qui ont fait au moins 6 morts et des dizaines de blessés, ont été particulièrement durs autour d'une école où un groupe de pro-Kadhafi s'est réfugié. Les combattants pro-CNT se sont ensuite retirés de cette zone, pour permettre un bombardement à l'arme lourde. En fin de journée, la résistance des pro-Kadhafi --toujours vive-- se réduisait pour toute la ville à trois pâtés de maisons à l'intérieur de ce «Quartier n°1», à proximité directe du front de mer. Beaucoup de combattants pro-CNT se sont installés pour la nuit dans les maisons voisines de la zone des combats. «On les finira demain, c'est une affaire réglée», a déclaré l'un d'entre eux. Des tirs sporadiques d'origine indéterminée résonnaient dans la ville, dont les rues désertes et ravagées étaient sillonnées par des combattants pro-CNT, occupés à fouiller et parfois piller les maisons abandonnées. Les voitures attiraient tout particulièrement leur convoitise, provoquant parfois de vives altercations entre rebelles. Après quatre semaines de bombardements puis d'intenses combats de rues, Syrte n'était plus que ruines. Pas une maison n'était intacte. Ses rues où se déversait l'eau des canalisations éventrées étaient jonchées de véhicules calcinées et de débris des habitations éclatées par les obus. Venus de l'ouest, les combattants pro-CNT ont pris mercredi le «Quartier n°2» (près du bord de mer, juste à l'est du Quartier n°1) et le Quartier Dollar (plus au sud), qui tient son nom des maisons luxueuses construites par les apparatchiks de l'ancien régime. Plusieurs hommes ont été faits prisonniers au cours d'opérations de reconnaissance et de nettoyage, réalisées au hasard des rues et dans le plus grand désordre, selon les mediats. Selon un commandant de la brigade «Libye Libre», un des fils Kadhafi, Mouatassim, et plusieurs caciques de l'ancien régime dirigeaient encore les opérations. Comme chaque jour, des dizaines de familles apeurées, avec parmi elles des hommes en âge de combattre, ont pu être évacuées sous le feu par les pro-CNT. Un prisonnier des pro-Kadhafi, le visage tuméfié et le corps marqué par les tortures, a aussi été libéré. Hagard, à peine conscient, l'homme a raconté avoir été interrogé par Mouatassim Kadhafi il y a moins de dix jours. Pour marquer la quasi-libération de Syrte, les pro-CNT ont détruit à coups de canons le monument pyramidale symbolisant la révolution du colonel Kadhafi sur la place centrale de la ville. Mardi, le président du CNT, Moustapha Abdeljalil avait fait une brève visite dans le centre de Syrte pour soutenir ses troupes qui ont perdu plus de 80 hommes depuis vendredi dans la ville, où les frappes aériennes de l'Otan ont cessé. Outre Syrte, les forces du CNT assiégeaient toujours l'oasis de Bani Walid, à 170 km au sud-ouest de Tripoli, qu'elles espéraient prendre dans le sillage de la chute de Syrte. Le conflit en Libye, riche pays pétrolier, a débuté le 15 février par une révolte populaire contre le régime qui s'est transformée en guerre civile ayant fait plus de 25.000 morts, selon le CNT. Le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, a annoncé mercredi que l'intervention militaire en Libye allait coûter 300 millions de livres (343 millions d'euros) au Royaume-Uni, qui a été avec la France en pointe dans les opérations. Recevant une délégation de 80 entreprises françaises à Tripoli, le ministre des Finances et du Pétrole du CNT, Ali Tarhouni, a cependant déclaré qu'aucun nouveau contrat pétrolier ne serait conclu en Libye pendant la transition. Selon le président de la NOC (National Oil Corporation), Nouri Berruien, la production pétrolière, tombée presque à l'arrêt du fait des violences, est remontée à 400.000 barils par jour. Elle devrait atteindre 600.000 b/j fin 2011, et pourrait retrouver ses niveaux d'avant-guerre (entre 1,6 et 1,7 million de b/j) fin 2012.