Abdelfattah Mourou, grand avocat et homme politique tunisien de tendance islamiste, est membre fondateur du mouvement islamiste Ennahdha dans les années 1980. Il a annoncé à plusieurs reprises son intention de prendre ses distances avec le parti islamiste dont le président Rached Ghannouchi l'avait annoncé comme probable directeur de campagne pour les élections de la Constituante. En mai dernier, Skander Rekik a confié à Espace Manager que des pourparlers avaient eu lieu avec M.Mourou pour qu'il rejoigne l'Alliance nationale pour la paix et la prospérité (Anpp). C'est finalement sous la forme d'une alliance que prendra forme l'entente entre Abdelfattah Mourou et Skander Rekik. L'Expression: Lors de son discours de jeudi, Caïd Essebsi a parlé de réussite de ce qu'a réalisé son gouvernement depuis mars dernier. Le voyez-vous dans le prochain gouvernement provisoire? Abdelfattah Mourou: Il y a des gens qui optent pour Essebsi pour la prochaine phase mais la décision définitive sera prise lorsqu'on aura connu la constitution de la Constituante et les visages qui se présentent pour le poste de Premier ministre et celui de président de la République. Il y aura un choix à faire dans le cas où il y aura des gens qui seront meilleurs que lui. Comment évaluez-vous la campagne électorale qui, selon certains, aurait été timide et pour d'autres, entachée d'irrégularités? Vous savez, les irrégularités, il y en a. Parce que tout d'abord, la haute commission a, elle aussi, commis des erreurs comme, par exemple, les chiffres donnés aux différentes listes selon les gouvernorats. Alors que ce n'est pas normal dans la mesure où on doit donner le même à la coalition ou un parti dans toutes les circonscriptions. Ce qui n'a pas été fait justement. Le résultat de cette erreur c'est que l'électeur n'a pas de repères. L'autre difficulté est le grand nombre de listes qui intimident l'électeur et ne lui laissent pas la liberté de choisir. Autre chose, les nouveaux partis politiques qui descendent sur la scène avec des sommes d'argent énormes et qui misent sur la pauvreté des gens pour acheter leurs voix. D'autres partis ont choisi de minimiser les difficultés qui se trouvent devant le peuple, allant jusqu'à rassurer les gens que le pain coûtera 100 milimes et que les Tunisiens ne payeront pas la facture de l'électricité et l'eau courante. Ce qui a plu à beaucoup de gens et la crainte vient du fait que ce discours rend très difficile la tâche des partis politiques qui se respectent et respectent le peuple. Qui sont ces partis qui achètent les voix? Je ne donne aucun nom mais les gens les connaissent. D'un côté vous déclarez qu'il n'existe pas de coalition, ni ne faites partie d'Ennahda alors que l'on retrouve sur vos listes de Tunis 2 des candidats qui ont la couleur nahdiste? Je dis qu'ils ont la connotation islamique mais qu'ils n'ont aucune appartenance au parti Ennahda. «Persepolis» a créé une polémique qui a conduit à des incidents et provoqué une marche des islamistes et après celle des laïcs pour défendre la liberté d'expression. Quel est votre avis? Je pense que la chaîne Nessma TV est responsable envers le peuple du désordre provoqué par la diffusion de ce film. Pourquoi? Parce que, tout simplement, ce film n'a pas pris en considération ni respecté la croyance des Tunisiens qui se trouvent lésés par l'attaque dirigée contre leur croyance. Surtout que rien n'explique l'ouverture dun dossier concernant la croyance dans une période pré-électorale. Comment appréhendez-vous ces premières élections libres dans l'histoire de la Tunisie? Je suis très fier du processus électoral surtout que les élections se font sans que le ministère de l'Intérieur les supervise. C'est pour la première fois que cela se fait en Tunisie et dans le Monde arabe. Je suis par-dessus tout confiant en ces élections vu la présence d'un grand nombre d'observateurs étrangers et tunisiens. M.Ghannouchi menace de faire descendre ses troupes en cas de fraude? Ne pensez-vous pas que cette déclaration jouera en sa défaveur dimanche? Il faut savoir que Ghannouchi est plus intellectuel que politique. La preuve, il a 70 ans et ne s'est même pas présenté aux élections. En tout cas, s'il a fait cette déclaration, je dirais que c'est une grande gaffe. Parce que dans le cas de falsification prouvée, on doit s'adresser aux instances judiciaires qui, elles seules, ont l'exclusivité de trancher dans un tel différend mais demander aux gens de descendre dans la rue, ne peut jamais être accepté surtout que nous passons par une période transitoire et que nous sommes en train de mettre en place les premiers piliers d'une voie que nous voulons démocratique basée sur le dialogue et le recours aux institutions adéquates pour trancher des différends.