Une scène du film de Terrence Malick C'est dans une cinémathèque flambant neuve que le ciné-club de l'association Project'heurts a entamé son nouveau cycle de la rentrée en ce mois d'octobre. Le ciné-club «Allons voir un film» a repris donc du service. Pour frapper fort, il nous emmène en virée à travers une Amérique qui tourne le dos aux moeurs. C'est dit, un cycle frais 100% US sur la thématique du road movie. Un genre qui marque la période de contestation sociale survenue à la fin des années 60 aux Etats-Unis. Il s'identifie étroitement à la jeune génération qui s'oppose au Vietnam, prend conscience du problème noir, se rend à Woodstock et lit Jack Kérouac. Un genre qui esquisse le tempérament d'une jeunesse en perpétuelle révolte contre les codes sociaux qui oppressent, ce qui fait du road movie, un genre intemporel, témoigne d'un mal-vivre et d'une société en rupture avec son système conservateur avec comme seul rêve ou utopie, la liberté, sans dieu ni maître. Pour illustrer ce genre cinématographique, l'association Project'heurts a programmé une pléiade de longs métrage qui ont marqué toute une génération de cinéphiles. Le premier film qui a inauguré ce cycle le 8 octobre dernier est Easy Rider de Dennis Hopper. Terrence Malick, le fantastique Le second, celui projeté samedi dernier à la cinémathèque de Béjaïa, est signé par l'indétrônable Terrence Malick dont la marque de fabrique est reconnaissable parmi mille! Comme son nom l'indique, La balade sauvage est l'histoire de deux jeunes gens transformés en criminels malgré eux et vont traverser l'Amérique pour sauver leur peau. Inspirée par l'histoire authentique de Charlie Stark-Weather, jeune délinquant des années cinquante, évocation de la folle équipée de deux jeunes amants auxquels on refuse le droit de s'aimer. Ils laissent sur leur passage de nombreux cadavres dont le père de la jeune fille, qui refusait que celle-ci fréquente un éboueur. De là vient s'enclencher cette montée de violence, pernicieuse où l'on se demande au final laquelle est la plus monstrueuse, celle psychologique ou ces crimes gratuits perpétrés de façon certes gratuite mais presque innocente, propre et clean...Terrence Malick se joue de nos certitudes, brouille les pistes et met l'homme devant sa plate existence. L'eau, la nature, le grand air et... les sentiments bruts mis à nu aussi; nous sommes devant un étalage d'un tableau de naturalisme exacerbé dont seul Malick maîtrise la technique. Flouter les codes de la vie, du bien et du mal, le vrai et le faux, le juste et le proscrit, c'est de cela qu'il s'agit dans ce film et dans toute la filmographique de Terrence Malick, qu'on aime ou on n'aime pas, pis, on déteste mais sans jamais laisser indifférent. Telle a été aussi la gageure de son dernier film Tries of Life au dernier Festival de Cannes où le détenteur de la Palme d'or a su faire du bruit autour de son film sur la Croisette. Un film qui avait réellement divisé la critique laissant aussi sans voix le jury qui ne pouvait être qu'admiratif devant ce genre d'ovni pétri d'intelligence cinématographique qui allie l'esthétique démesurée à la réflexion épurée et profonde. Dans La balade sauvage le réalisateur du Le nouveau monde et La ligne rouge ne déroge pas à la règle. L'amour dans le pré est présent. Le jeune acteur interprété par Sean Penn est un écorché vif à l'image d'un James Dean au volant d'une Cadillac en compagnie de sa jeune petite amie dont on dit qu'elle le mène par le bout du nez. Un garçon tuant sur son passage tous ceux qui veulent s'interposer entre lui et elle les empêcher de suivre leur chemin. Tout comme cette folie dans Orange mécanique, la violence est ici mise en exergue avec ce qu'elle recèle comme aliénation mais à un moindre degré, le point commun est ce questionnement à savoir, sur qui incombe l'objet de la brutalité au fond? A la société ou sur l'individu qui cherche à tracer sa route quitte à être à contre-courant de la ligne que prend le train? L'on rit pourtant devant tant d'absurdités et de détails saugrenus qui font la vacuité de l'être humain qui s'avère tout petit devant la puissance de la force supérieure qui régirait ce monde...Paradoxe, choque et déroute ne font qu'immiscer ce sentiment de désenchantement d'une génération qui ne croit sans doute plus en ses maîtres et tente d'exister seule, et se faire une place au soleil. A l'ombre d'une société qui n'aime pas ses enfants. Seule, abandonnée, elle commet des erreurs, parfois maladroite, attendrissante, ou cruelle.. La voix of qui accompagne chaque histoire de Malick n'est sans doute pas fortuite car son rôle sous-jacent est sans doute d'interpeller la conscience collective. En cela, les histoires racontées dans les films de Terrence Malick se veulent sensitifs, faussement simples mais délicieusement beaux et «merveilleux». Notons que New York-Miami de Frank Capra, Thelma et Louise de Ridley Scott et enfin Into the wild de Sean Penn sont les prochains films au programme de ce ciné-club. Les dix ans des rencontres à la cinémathèque Le film de Terrence Malick a, en tout cas, suscité un bon débat suite à sa projection. Les jeunes venus nombreux voir ce film semblaient en parler comme si c'était un film récent et pourtant Balade sauvage date de 1974. Le mérite revient à la jeune Lilia, étudiante en anglais et dont le ciné-club lui a été confié à bon escient par l'association Project'heurs qui estime de son devoir de donner la chance à ses jeunes membres pour s'exprimer, comme nous l'a assuré Abdenour Hochiche le président de l'association: «Elle est étudiante en littérature anglaise, elle vient de suivre un atelier de ciné-club avec Béjaïa Doc. Elle a sûrement appris des choses et c'est une personne qui est venue dans l'association car elle a une passion pour le cinéma. Elle a commencé à travailler avec nous il y a un an et là, cette année, elle prend en quelque sorte les clés du ciné-club. Elle aime faire ça et puis ça fait partie du travail de l'association, autrement pousser des jeunes à faire des choses. Que ce soit pour les rencontres, le ciné-club ou la nuit du court métrage..». Evoquant d'ailleurs l'ouverture de la cinémathèque, Abdenour nous confiera son enthousiasme de voir enfin les prochaines rencontres retourner dans une salle de cinéma. «Cela fait plaisir, on est content qu'elle rouvre, qu'on puisse faire les projections dans des conditions plus ou moins acceptables. Il reste encore des choses à améliorer. Il y a une acquisition de matériel tout neuf. Je pense que pour la dixième édition des rencontres, on ne pouvait pas mieux tomber, c'est spécial, c'est un anniversaire. Cela fait dix ans qu'on existe. C'est bien de se retrouver dans un espace naturel du cinéma. Cela dit, on va essayer d'investir dans d'autres espaces comme le théâtre et la Maison de la culture pour diversifier un peu les activités, même si tout naturellement le coeur des rencontres va être à la cinémathèque. Une édition qui se prépare donc patiemment, tout doucement mais sûrement. «On est en travail sur la programmation et les orientations à prendre pour la dixième édition. Il y a des nouveautés au niveau de la structure qui porte les rencontres notamment un site Web, on tarde à l'avoir et ce n'est pas normal pour une manifestation qui a 10 ans. On va affiner notre travail qu'on fait avec la presse. C'est un peu notre talent d'Achille en quelque sorte. On essayera de combler les manques. Globalement, cela va se faire dans un esprit festif, joyeux. J'espère qu'il y aura de nouveaux films algériens qui vont sortir.»