Le 7e art reprend ses droits à Béjaïa, à la faveur des 3es rencontres cinématographiques, organisées par l'association Project'heurts et Kaina Cinéma. Séances de projections ouvertes au large public, stage de formation au scénario et à l'animation de ciné-clubs, séances-débats et rencontres de professionnels, la cinémathèque et le Théâtre régional de Béjaïa connaissent une ambiance particulière, le tout couronné d'une belle adhésion du public, qui découvre ou redécouvre le cinéma. Dépassant le pas timide de “Allons voir un film”, cinéclub bimensuel de l'association Project'heurts, la cinémathèque de béjaïa revit grâce à ces journées qui arrivent à leur troisième édition. Il faut dire que les projections et les séances-débats quotidiennes sont loin d'être une caractéristique du paysage culturel de la ville. Et pourtant, depuis dimanche passé, le public bougiote est convié quotidiennement à voir des films d'ici et d'ailleurs. À raison de deux longs métrages par jour, les jeunes, peu habitués aux salles obscures dans une ville qui baigne dans le soleil et préférant le sable doré de cette partie de la côte algérienne, se familiarisent de jour en jour avec ces lieux sacrés du 7e art. “C'est bien, mais dans quelques jours, la cinémathèque nous sera fermée”, rétorque un jeune, la quinzaine à peine, en se ventant devant ses copains d'avoir suivi toutes les projections présentées jusque-là. Et en matière de programmation, les organisateurs ont misé surtout sur la diversité. Après un légendaire Tahia ya didou, qui a drainé une grande foule et le court métrage Le jour de la première de close-up de Nani Moretti, le public a été convié lundi dernier à la projection d'un court et deux autres longs métrages, notamment, Issa de Idir Serghin. Un film de 18 minutes, d'un jeune Algérien issu de l'émigration et qui revient sur la vie des émigrés d'origine maghrébine en France et l'antagonisme socioculturel qu'ils vivent au quotidien. Ecrivains des frontières, un film documentaire de l'égyptien Samir Abdellah et José Reynès, plongera les festivaliers et le public dans la spirale du conflit palestino-israélien. Carnet de voyage d'une délégation de célèbres écrivains, ayant répondu à l'appel du poète Mahmoud Derwich assiégé à Ramallah, le film est un témoignage de la mort programmée de tout un peuple condamné à la souffrance. 80 minutes au cœur d'une Palestine meurtrie mais où l'espoir revient toujours. Suivra Tenja, un autre film marocain de Hassen Legzouli, qui évoque les problèmes de l'émigration et l'éternelle histoire du retour. Un road-movie d'une histoire qui ne cesse de se répéter. Souvenirs, souvenirs, les rencontres ont également été marquées par la projection de deux films, en rapport avec l'histoire commune algéro-française. Ainsi, Cyril Leuthy, jeune réalisateur français, fait parler son père et réveille en lui les souvenirs de la vie en Algérie et questionne les membres de sa famille sur une histoire longtemps ignorée. Djamel Sellani, lui, fait parler Louisette Ighil Ahriz, un des symboles de la lutte de la femme algérienne. Louisette revient, pour la première fois, sur les lieux de sa torture, à la villa Suzini. En 110 minutes, Malek Bensmail présente un film fort en émotion sur le monde des malades mentaux et la psychiatrie. Présente en force lors de ces rencontres, la cinémathèque de Bretagne a donné, hier, l'occasion au public de Béjaïa de découvrir son travail de collecte, de sauvegarde et d'animation du patrimoine audiovisuel breton. Ainsi, on redécouvrira Afrique 50 de René Vauthier — parti filmer les conditions de vie dans les villages des colonies françaises de l'Afrique occidentale —, La Bretagne de Jean Epstein (1936) et Sauvetage des naufragés à Audierne (1931) d'un réalisateur inconnu. W. L.