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«Elles n'auront aucun effet sur la Syrie»
ANIS NAKACHE À PROPOS DES DECISIONS DE LA LIGUE ARABE
Publié dans L'Expression le 14 - 11 - 2011

«La Ligue arabe, instrument entre les mains des sultanats du Golfe»
Anis Nakache, président des réseaux sociaux libanais (Imman), a soutenu dans cet entretien qu'il a accordé à L'Expression que les décisions de la Ligue arabe n'auront pas d'effet sur la Syrie. Ce défenseur acharné de la cause palestinienne et ami de l'Algérie a qualifié la Ligue arabe d'instrument entre les mains des sultanats du Golfe après avoir été un appendice de la diplomatie égyptienne.
L'Expression: Comment qualifiez-vous les décisions prises par la Ligue arabe à l'égard de la Syrie?
Anis Nakache: Les décisions prises par la Ligue arabe à l'égard de la Syrie n'auront visiblement pas d'effet. La Ligue arabe est, malheureusement, dirigée et soumise aux orientations étrangères. Cette Institution, créée par le colonialisme britannique, s'est distinguée par ses positions partisanes. Elle a même pris partie avec les régimes arabes rétrogrades, défendant les intérêts de l'impérialisme américano-sioniste. Je ne pense pas que la Ligue arabe pourrait influer sur le cours des événements en Syrie. En réalité, cette institution n'a fait que donner son quitus pour avaliser et soutenir la vision américaine et consorts au sujet de la crise syrienne. La Ligue arabe qui était, il n'y a pas longtemps, un appendice de la diplomatie égyptienne, vient de changer de champ de manoeuvres et d'actions. Elle est devenue, fort malheureusement, un instrument entre les mains des monarchies et des sultanats du Golfe, qui lui dictent désormais la voie à suivre. En conséquence, l'action de la Ligue arabe et des monarchies du Golfe, dont le Qatar, et l'entrée en force sur la scène arabe de la Turquie allié aux Etats-Unis, illustrent le rôle de sous-traitance de la gestion des affaires arabes par des acteurs au profit des intérêts américano-sionistes. La Ligue arabe vient, par ces décisions contre le régime syrien, de commettre visiblement la même erreur que celle commise en Libye, en donnant son feu vert à l'intervention de l'Otan en Libye. Et puis, je ne pense pas que les monarchies et sultanats du Golfe, que je connais assez bien, peuvent défendre les intérêts des peuples arabes si ce n'est pas leurs intérêts familiaux et tribaux. Ils ont, d'ailleurs, montré au grand jour leur mépris pour les aspirations de leurs peuples. La répression dans le sang des manifestants au Bahreïn en mars dernier par le bras armé du Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG) est une preuve que ce pseudo-conseil sert plutôt à se prémunir contre d'éventuels soulèvements populaires que défendre les droits des peuples de la région.
Le scénario libyen peut-il se reproduire en Syrie?
Je ne pense pas que le scénario libyen peut se reproduire en Syrie. Car les données ne sont pas les mêmes. Certes, en Libye l'Otan a eu le feu vert de la Ligue arabe pour y intervenir, mais en Syrie le contexte régional et national n'est pas le même. D'abord, au niveau syrien, il faut dire que l'Armée est toujours avec le régime de Bachar El-Assad, alors qu'en Libye, en Tunisie et en Egypte, ce n'était pas le cas. Cela dit, rien ne peut se faire tant que l'Armée refuse de suivre la rue. Et ensuite, l'Otan ne peut pas s'aventurer en Syrie et ouvrir un front de guerre aux portes de la Russie, l'Iran et la Chine. Ces pays dont le poids est incontestable dans la région ont d'ailleurs exprimé leur position par le double veto au Conseil de sécurité. Cela en plus de la situation régionale, une intervention contre la Syrie cela signifie «une afghanisation de tout le Moyen-Orient».
Que pensez-vous de l'approche adoptée aujourd'hui par l'Occident à l'égard des révoltes dans le Monde arabe?
Aujourd'hui, l'impérialisme, représenté par les Etats-Unis, est en train de récupérer les mouvements arabes pour créer de nouveaux alliés, après avoir servi à l'instauration et la protection des dictatures. L'approche adoptée aujourd'hui par les puissances occidentales et à leur tête les Etats-Unis d'Amérique à l'égard des crises dans le Monde arabe vise à tirer profit au maximum des mouvements en cours, mais aussi de se repositionner sur la scène arabe pour la sauvegarde de leurs intérêts dans la région et, notamment, le soutien inconditionnel à Israël. En plus, il faut dire que la teneur des relations internationales, notamment entre l'Occident et certains pays arabes, intervient avec l'avènement de nouvelles donnes. Il s'agit, en premier lieu, des conséquences gravissimes induites par la crise du système capitaliste que connaissent les Etats-Unis et l'Union européenne, le retrait de l'armée américaine de l'Irak et le bourbier afghan, les conséquences de la défaite de portée stratégique de l'armée israélienne dans sa guerre contre le Liban en 2006, ainsi que l'émergence de nouvelles forces sur la scène régionale et mondiale, à l'exemple de l'Iran, de la Chine et de la Russie. Aujourd'hui, Washington avec son allié l'Union européenne et son bras armé l'Otan, divise pour mieux régner et suggère la portée et l'importance des droits de l'homme et de la liberté, en mettant en avant aussi les questions d'ordre identitaire.
Quelle lecture faites-vous des changements intervenus et en cours dans le Monde arabe?
Les Arabes, qu'ils soient du Moyen-Orient ou de l'Afrique du Nord, n'ont pas encore tiré les leçons des guerres intervenues en Afghanistan et en Irak. Des guerres conduites par les Etats-Unis d'Amérique et son bras armé l'Otan. Les peuples arabes ne proposent pas une alternative de sortie de crise. Aujourd'hui, le rôle de l'Occident est plus manifeste dans le Monde arabe. L'Occident se positionne en qualité de «chef d'orchestre dans le brasier arabe» car les évènements prennent le cours voulu par l'Occident. Donc, les révoltes arabes évoluent selon les orientations et les intérêts stratégiques arrêtés au préalable par les puissances occidentales. Pour éviter tout effritement ou éclatement des pays arabes, les changements escomptés par leurs peuples doivent répondre à leurs aspirations au développement socio-économique, et non aux orientations et aux intérêts de l'impérialisme américain.


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