Le procès, inédit en France, de six pirates somaliens présumés accusés de la prise d'otages du voilier le Carré d'As en septembre 2008 s'est ouvert mardi devant la cour d'assises des mineurs de Paris, les accusés tentant de minimiser leur rôle. Les débats s'annonçaient à huis clos, mais la défense du seul accusé qui était mineur au moment des faits a finalement souhaité qu'ils soient publics, demande à laquelle a accédé la cour. Le matin, en retard à cause d'un problème de transfèrement de certains accusés depuis leur prison, les six hommes avaient découvert la salle d'audience, la cour, le box vitré. Tous vêtus de noir, sauf un portant une veste de survêtement gris, ils avaient pris place au premier rang du box, l'air intimidé, serrés les uns contre les autres, saluant leurs avocats installés devant eux. Nom, prénom, date de naissance, noms des parents, profession... tour à tour ils ont répondu à la présidente, Nadia Ajjan, par le biais d'un interprète en langue somalie. Trois pêcheurs, un étudiant, un électricien, un sans emploi. Aujourd'hui âgés de 21 à 36 ans, ils sont poursuivis pour enlèvement et séquestration en bande organisée et vol avec arme, faits passibles de la réclusion criminelle à perpétuité. Ils sont jugés pour avoir arraisonné le Carré d'As, le 2 septembre 2008 au large de la Somalie, et pris en otage son équipage, Jean-Yves et Bernadette Delanne, skippers français expérimentés qui convoyaient le bateau d'Australie vers la France. Les pirates exigeaient pour leur libération une rançon de deux millions de dollars. Mais leur aventure s'était terminée dans la nuit du 15 au 16 septembre 2008 lors d'un assaut des forces spéciales françaises, durant lequel un pirate avait été tué et six capturés, tandis que les otages étaient libérés sains et saufs. Les époux Delanne n'étaient pas présents mardi mais devraient venir en début de semaine prochaine. Pour leurs avocats, ces accusés sont des lampistes, des «petites mains» qui ont eu la malchance de se trouver à bord du voilier à l'arrivée des commandos marine. Dans leurs premières déclarations sur les faits qui leur sont reprochés, en fin de journée, ils ont d'ailleurs largement minimisé, voire nié, leur rôle dans la prise d'otages. Un seul a admis une participation, «en tant qu'exécutant». «Je me trouvais dans une telle situation financière, j'avais six enfants, c'est à ce moment-là que j'ai croisé le chemin de quelqu'un qui m'a recruté», a déclaré Ahmed Hamoud Mahmoud, pêcheur de profession mais présenté par l'accusation comme un des chefs de l'opération. Un autre a affirmé avoir été lui-même «enlevé» par les pirates, qui lui auraient pris son bateau pour servir de base logistique à leur entreprise. Un troisième aurait été pris à leur bord par les pirates alors qu'il était en perdition au milieu du golfe d'Aden, en route pour le Yémen pour y chercher du travail. Un autre espérait obtenir une part de la rançon réclamée, mais nie toute implication dans la prise d'otages, puisqu'il «faisait la cuisine». La piraterie est endémique au large de la Somalie, pays en guerre depuis plus de 20 ans. Un autre procès aura lieu en mai pour la prise d'otages du Ponant, en avril 2008, et deux autres devraient suivre, pour les affaires du Tanit (avril 2009) et du Tribal Kat (septembre 2011). Le procès du Carré d'As est le premier du genre en France, mais d'autres procès de pirates somaliens ont été organisés dans plusieurs pays d'Europe, aux Etats-Unis, en Afrique de l'Est... L'audience reprend mercredi à 09H00 GMT. Le procès est prévu jusqu'au 30 novembre.