Le procès du patron de la télévision privée tunisienne Nessma poursuivi pour «atteinte aux valeurs sacrées» après la diffusion en octobre du film Persepolis, qui avait suscité des violences notamment d'islamistes radicaux, s'est ouvert jeudi dans la cohue, a-t-on constaté. «Je ressens une immense tristesse parce que les gens qui ont voulu détruire la chaîne sont libres et que moi je suis ici parce que j'ai diffusé un film», a déclaré le directeur général de Nessma, Nabil Karoui, qui est poursuivi avec deux salariés de la chaîne, à son arrivée au tribunal de Tunis. L'audience s'est ouverte dans la cohue, des centaines de personnes, dont de nombreux salariés de Nessma, s'étant massées dans la petite salle du tribunal. La défense devrait demander un report, selon des sources judiciaires. M. Karoui, qui fait l'objet d'une plainte de plus de 140 avocats, est poursuivi pour «atteinte aux valeurs du sacré, atteinte aux bonnes moeurs et trouble à l'ordre public», et encourt trois ans de prison. La diffusion le 7 octobre par Nessma TV du film franco-iranien Persepolis, en dialecte tunisien, avait déchaîné les passions et suscité une vague de violences, quinze jours avant les élections en Tunisie. Des groupes d'extrémistes avaient tenté d'attaquer le 9 octobre le siège de la chaîne à Tunis, et la violence avait culminé cinq jours plus tard lorsqu'une centaine d'assaillants avaient jeté des cocktails molotov sur la maison du patron de la chaîne, alors absent. En cause: une scène du film (qui raconte le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d'une petite fille) où Dieu est représenté, ce que proscrit l'islam. Nabil Karoui s'était «excusé » pour la diffusion de cette scène après l'attaque de la chaîne, mais les manifestations, à l'instigation de groupes salafistes, s'étaient poursuivies.