Les marches enregistrées hier en Kabylie ne sont qu'un avant-goût d'une rentrée sociale qui s'annonce explosive. Comme il fallait s'y attendre, l'action a fini par prendre le pas sur les premiers moments d'incompréhension, d'indignation et de condamnation face à la suspension dont ont été victimes six journaux nationaux. Hier, la Kabylie, chantre de la démocratie, du pluralisme et de la liberté d'expression, a donné aux décideurs responsables de cet acte liberticide un avant-goût de ce que sera pour eux la prochaine rentrée sociale. Le clan mis en cause, en ordonnant le bâillonnement des six journaux qui le gênaient un tantinet aux entournures, n'a guère pris en ligne de compte le fameux risque du «retour de flamme», bien connu pourtant dans le milieu d'où vient Yazid Zerhouni, un des hommes de main de cette triste cabale contre la liberté d'expression. Zerhouni et consorts, nul ne l'ignore, ont vécu loin de notre pays durant ces vingt dernières années. Leur retour aux «affaires» sur un tapis rouge ne signifie pas qu'ils eussent quelques jours atterri au... pays. Peut-on, en effet, parler de proximité avec les populations et l'Algérie profonde, quand on vit dans une résidence hautement surveillée, que l'on se déplace sur des routes nettoyées des gueux de cette république et que l'on ne visite les villes et villages du pays que pour quêter un second mandat, en se faisant apporter des citoyens «dociles par fournées» entières, force est de dire que l'éloignement mental demeure aussi profond que s'il était géographique. Ces gens, qui président aux destinées d'un pays qui ne mérite pas ce qui lui arrive, n'ont pas encore compris que les tristes «exploits» de la décennie passée ne sont plus permis. La démocratie est entrée dans les moeurs de chacune et chacun d'entre nous. Le geste banal, qui est celui de payer chaque matin son journal «préféré», est un acte citoyen dont aucun n'est prêt à se départir. Non aucun. Il est normal qu'une période de flottement, surtout en ce mois caniculaire et de relâchement quasi généralisé, précède la réaction que nous espérons imminente, importante et sans appel. Personne n'a cru que la menace serait mise en application, tant elle sonnait faux et puait de loin le règlement de comptes politique, tout simplement digne d'un Etat voyou, ne respectant même pas ses propres lois. Une fois le couperet tombé, beaucoup ont pensé, espéré, que les pressions pacifiques, tant nationales qu'internationales, suffiraient à inhiber les velléités liberticides des auteurs de cet acte tout simplement innommable. Aujourd'hui, force est de constater que ceux qui ont ordonné la mise à mort de certains des plus importants titres de la presse nationale, sans la moindre base légale, pour que cela serve d'exemple (mauvais, cela va de soi) aux autres journaux, ne reculeront pas tant que la pression ne sera pas assez forte. Bouteflika, parlant de cette affaire à partir de Skikda, nous a qualifiés de «groupes de pression» alors que nous n'aspirons qu'à celui de... groupe d'impression. Le choix sémantique, point fort chez le Président, parfait polémiste, a trahi sa crainte, voire sa haine, du statut de «quatrième pouvoir» dont aspire à se draper un jour la presse algérienne à l'ombre d'une démocratie forte et indéboulonnable. Les auteurs de cette suspension, qui se sont en effet trompés d'époque et de peuple, doivent s'attendre à payer eux aussi les «factures» qu'ils ont eux-mêmes générées. Le temps de passer à la caisse sonnera bientôt pour ces gens...