«La loi nous assure un logement décent ou au moins le maintien dans les lieux. Or, rien de tout cela n'est respecté» L'ancien proviseur du lycée de Rouiba est décédé il y a quelques jours après avoir reçu un avis d'expulsion de son logement d'astreinte. La mort plutôt que l'humiliation, cette phrase résume à elle seule le triste sort qui a été celui de l'ancien proviseur du lycée Abdelmoumen de Rouiba. Cet homme intègre qui a consacré sa vie à l'éducation des enfants de l'Algérie a connu une fin des plus tristes. En effet, alors qu'il profitait de sa paisible et «petite» retraite, il s'est vu menacé d'expulsion de son logement d'astreinte. Une petite feuille, un petit avis d'expulsion et voilà qu'on brise la vie d'un homme. A son âge se retrouver à la rue! L'humiliation de trop... Son coeur n'a pas supporté cette ingrate rétribution et ultime humiliation que lui a réservée sa tutelle. Et il s'est arrêté de battre ce 3 décembre 2011, quelques jours avant que l'arrêté d'expulsion n'arrive à effet, alors qu'il était au volant de sa voiture. Les voisins du défunt affirment qu'«il n'avait pas supporté la façon dont son pays l'avait «remercié» pour ses bons et loyaux services». Ces voisins racontent même que l'ex-directeur aurait lancé à l'huissier de justice qui lui a ramené son avis d'expulsion, qu' «il ne serais plus de ce monde le jour J...» Malheureusement, le malheur de cet ex-proviseur n'est pas un cas isolé. Ils seraient environ 5000 au niveau national dont 1200 rien qu'au niveau d'Alger, a récemment confié à la presse M.Ghaleb Ghouri, secrétaire général du Syndicat national des retraités de l'éducation. Quel triste sort que celui réservé à ces retraités de l'Education nationale! Ils ont formé des générations de cadres pour le pays et aujourd'hui ils sont menacés d'être jetés dans la rue comme de vulgaires malfrats. Leur crime: avoir occupé des logements de fonction. Une ingrate rétribution. Plusieurs cas d'avis d'expulsion de retraités de l'Education nationale ont été signalés ces derniers jours à travers le territoire national. Les avis d'expulsion sont devenus la hantise de ces retraités qui vivent dans ces logements d'astreinte. A qui le tour? Chaque jour ils se réveillent inquiets à attendre qui sera le prochain. Il se pourrait bien que le cas de l'ex-directeur du lycée de Rouiba se répète. D'autres coeurs fragilisés par l'âge pourraient s'arrêter de battre...On peut citer pour exemple le Centre national de formation des personnels de l'éducation (ex-Ennet), El Harrach, où six retraités ont été sommés par l'huissier de justice de quitter les lieux. Parmi eux, le fils de l'ex-concierge de l'établissement, décédé, a été expulsé par la force publique alors qu'il est fonctionnaire de l'éducation. Deux autres ont reçu la visite de l'huissier par trois fois les sommant de libérer les logements. Le reste a reçu une notification de l'huissier de quitter les lieux. Avec des retraites médiocres atteignant dans le meilleur des cas 20.000 DA après les dernières augmentations, ces anciens fonctionnaires ne peuvent même pas s'assurer une location ou autre refuge. Habitant des logements de fonction par décision administrative, ces travailleurs, aujourd'hui retraités, avaient été assurés que le jour où ils quitteraient ces logis, ils bénéficieraient d'une habitation décente. «Nous étions exclus des formules AADL, du social ou toute autre formule», soutiennent ces retraités. «Après une vie consacrée au service de l'enseignement, je suis traduit en justice comme un criminel», nous confie, dépité, Salah Abderrahmane ancien censeur dans un lycée à Alger (sous-directeur de l'éducation). M.Salah risque dans les prochains jours de se retrouver SDF, sans le moindre respect pour son sacrifice. Que dire alors du décret présidentiel qui interdit l'expulsion des retraités? Quant à l'hiver qui arrive, nos responsables n'en font même pas cas, ils procèdent aux expulsions sans pitié. Dans quelle jungle vivons-nous messieurs? «Je vais être incessamment expulsé, je ne me fais pas d'illusion mais je continue le combat je n'ai pas d'autre choix», affirme-t-il désemparé. «Je ne comprends pas pourquoi on nous traite comme cela alors que la loi est censée nous protéger», s'interroge-t-il. «Oui, la loi 507 bis du 13 mai 2007 stipule que les citoyens âgés de plus de 67 ans ne peuvent être expulsés», explique-t-il. «La loi nous assure un logement décent ou au moins le maintien dans les lieux. Or, rien de tout cela n'est respecté», regrette-t-il. «Au lieu de profiter de ma retraite, je me retrouve à mon âge à m'angoisser pour savoir si je vais passer l'hiver au chaud», peste-t-il. «Ce qu'on me reproche est le fait que j'ai une carcasse de maison que j'ai achetée avec mon argent. Mais elle n'est pas encore du tout habitable, comment voulez-vous que je la termine avec une retraite de 14.000 dinars par mois?», lance-t-il d'un air dégoûté. «Moi au moins j'ai cette baraque où je pourrais poser mes affaires, il y a d'autres retraités qui n'ont pas cette chance. Ils vont se retrouver à la rue. Vous vous imaginez!», dit-il encore non sans regretter ce qu'il appelle «la politique du deux poids, deux mesures. Il y a certains à qui on a cédé les logements et les retraités on le leur refuse», dénonce-t-il non sans appeler les autorités à revenir à la raison et épargner à ces messieurs une humiliation. Voilà donc comment nos éducateurs risquent de se retrouver en fin de vie dehors sans toit, alors qu'au même moment, l'Etat distribue des logements à tout bout de champ à des personnes qui n'ont jamais travaillé de leur vie. L'Algérie est véritablement le pays de tous les paradoxes.