Ancien journaliste, Mustapha Mazouzi, délégué de la Cadc, nous parle dans cet entretien de la suspension décidée par le pouvoir à l'encontre de six titres de la presse nationale, ainsi que de la position du mouvement citoyen par rapport à cette énième bévue de ce même pouvoir. D'après vous, quels sont les non-dits de cette féroce cabale contre la presse nationale? Je pense que la suspension des six titres de la presse nationale est une sanction qui ne dit pas son nom contre des journaux qui ont mis le doigt sur les scandales impliquant les hauts dignitaires du régime. Or, le pouvoir, au lieu de se justifier devant l'opinion nationale par rapport à ses frasques, a procédé par ses méthodes habituelles, c'est-à-dire les pratiques mafieuses à asphyxier financièrement les journaux. Comment interprétez-vous le harcèlement judiciaire que subissent certains éditeurs et certains journalistes? Ces pratiques se rapprochent des moyens dont a usé le pouvoir pour étouffer le mouvement citoyen. Je m'explique, nos dirigeants, faute d'imagination, optent pour la mise en branle de la police politique et de l'appareil judiciaire pour anéantir tout ce qui représente une menace pour la pérennité du système. Donc le harcèlement judiciaire des journalistes n'est qu'une suite logique à tout ce qu'a vécu l'Algérie ces trois dernières années. Pourtant, la loi permet à la présidence et au ministère de l'Intérieur d'utiliser des procédés plus légaux, à commencer par les mises au point aux journaux concernés. A mon avis, tout ce qui se passe actuellement est une honte pour l'Algérie du 3e millénaire. Un commentaire sur la suspension prolongée du quotidien L'Expression L'Expression, comme tous les autres titres indépendants, défend l'idéal démocratique, donc c'est de notre devoir aujourd'hui de le soutenir dans cette rude épreuve qu'il traverse. N'oubliez pas que les journaux pris dans le collimateur du pouvoir ont tous soutenu le mouvement citoyen dans les moments cruciaux qu'il a vécus. A ce titre, lors de notre tournée dans les rédactions centrales à Alger nous avons appuyé notre soutien indéfectible à tous les titres suspendus. La temporisation prise par le mouvement citoyen concernant l'entame du dialogue n'est-elle pas due justement à cette situation? Effectivement. Dès la levée des suspensions, nous avons décidé de l'inclure dans nos préalables conditionnant le dialogue. Aujourd'hui, nous réiterons ce principe par la cessation du harcèlement judiciaire à l'encontre des journalistes, car nouer des contacts avec un pouvoir qui veut faire disparaître le seul acquis d'Octobre 88 est contraire à l'esprit et à la vocation du mouvement citoyen. Dans ce sens, nous réiterons cette exigence au pouvoir avant l'entame de tout contact.