L'Europe et particulièrement la France sont, foncièrement, alignées en faveur du Maroc dans le cadre de la gestion de la question du Sahara occidental, a soutenu Pierre Toutain, délégué des Amis de la République sahraouie en France, dans cette interview, précisant qu'il est urgent que le soutien politique se développe en Europe et surtout en France. L'Expression: Quelle lecture faite-vous de la position européenne et de celle de la France en particulier à l'égard de la question du Sahara occidental? Pierre Toutain: D'abord, il faut dire que depuis une dizaine de mois, le regard des Européens et particulièrement celui des Français se tourne vers les pays arabes et d'Afrique du Nord. En France, chacun, organisation et média, y va de son commentaire et de son analyse sur les événements qui s'y déroulent. Ce qui explique la non-compréhension de l'opinion européenne pour la question du Sahara occidental, ou le fait que les Européens ne manifestent pas de grand souci à la situation du peuple sahraoui, se trouvant le dernier des pays colonisés en Afrique. Cependant, ce qui est étonnant et révoltant, c'est sans doute le silence, qui entoure la question du Sahara occidental notamment dans les milieux politiques officiels. Et à titre indicatif, je souligne qu'il est courant de constater en Europe, en l'occurrence en France, que pratiquement personne ne sait qu'un mur de 2500 km a été construit par le Maroc et sépare en deux le peuple et le territoire sahraouis. Sur quelle base pensez-vous que la France soutient le Maroc contre le Sahara occidental? Aujourd'hui, nous connaissons tous le soutien dont dispose le Maroc auprès de l'Europe, mais surtout auprès de la France. Cela s'explique notamment par les réponses du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, à ses députés en l'occurrence Jean-Paul Lecoq, Mariette Karamanli et le sénateur Bernard Piras qui l'avaient interpellé sur la question du Sahara occidental. Ce dernier a été catégorique en appuyant la proposition marocaine portant l'organisation d'un référendum sur l'autonomie du Sahara occidental, mais pas de référendum sur l'autodétermination du peuple sahraoui. Et à la question des droits de l'homme dont la commission des Nations Unis contre la torture vient d'épingler le Maroc, en constatant des violations majeures, Alain Juppé a répondu qu'il n'y a pas de violations commises contre les Sahraouis dans les territoires occupés, qui peuvent poser des préoccupations. Pis encore, ce qui fait dire que la France est foncièrement alignée en faveur du Maroc dans le cadre de la gestion de la question du Sahara occidental, c'est bien le fait que la France a opposé son veto à la proposition de certains pays européens portant sur l'élargissement des prérogatives de la Mission des Nations unies pour le référendum du Sahara occidental (Minurso) à veiller sur la promotion des droits de l'homme au Sahara occidental et dans les territoires occupés. Quelles sont les activités menées par votre association en faveur du peuple sahraoui? En plus de l'aide humanitaire que nous portons aux Sahraouis, nous comptons sur le travail sur le terrain dans les milieux européens. Ainsi, nous avons des coresponsables et rencontré des officiels au niveau des institutions européennes et particulièrement françaises avec lesquels nous avons abordé la situation critique du peuple sahraoui dans les territoires occupés et libérés, tout en présentant des rapports sur la violation des droits de l'homme, les arrestations des militants de la cause sahraouie, les conditions de détention et l'absence de communication sur les détenus politiques et la répression régulière conduite de main fer par les services de sécurité marocains. Néanmoins, ce qui nous paraît important, c'est plus la mobilisation de la société civile européenne autour de la question sahraouie, en organisant des expositions, des rassemblements de soutien, des conférences et contre la répression dans les territoires occupés; bref, nous menons des campagnes de vulgarisation et d'information sur la problématique de décolonisation du Sahara occidental, confronté au colonialisme marocain soutenu par des pays d'Europe, en l'occurrence la France. Cela en plus de la publication régulière de notre journal: Sahara Info. Par ailleurs, nous travaillons pour infléchir la position française et permettre ainsi au peuple sahraoui d'exercer librement son droit inaliénable à l'autodétermination. Cela, nous le faisons également dans d'autres pays européens, car nous pensons qu'il est urgent à ce que le soutien politique se développe en Europe et surtout en France. Comment trouvez-vous les conditions de vie des Sahraouis aussi bien dans les camps de réfugiés que dans les territoires libérés? Connaissant les deux parties, je précise que les Sahraouis vivent dans des conditions les plus critiques. Ils sont exposés, outre à une crise humanitaire après la réduction de l'aide alimentaire, les Sahraouis sont soumis à la machine répressive du Maroc, commettant toute sorte de délits contre les Sahraouis. A ce sujet, il faut signaler qu'il y a une centaine de détenus politiques dans des prisons marocaines. Ils étaient arrêtés dans les territoires occupés. Ces derniers subissent des tortures physiques et morales. A Rabat, 30 détenus sahraouis ont observé au début du mois dernier une grève de 30 jours pour protester contre les conditions de leur détention, mais aussi contre la violation de leurs droits, les plus élémentaires.