La visite, hier, du Chef du gouvernement, a révélé un homme à deux facettes, le politicien qui tente de jouer les pompiers volants, et le responsable dûment instruit de ces multiples expériences. Après avoir jeté «un coup d'oeil» sur la deuxième piste de l'aéroport Mohamed-Boudiaf et suivi, ensuite, un exposé sur le contournement de la ville de Constantine dans le cadre du projet de l'autoroute Est-Ouest et inauguré un échangeur routier, M.Benflis s'est rendu à la nouvelle ville Ali-Mendjeli, appellation décrétée par le Président Bouteflika him-self. En écoutant les exposés sur les projets et réalisations urbaines, et de viabilisation, au sein de cette aire de 1500 ha, le Premier ministre s'est lancé dans un mini-discours, vilipendant «les phénomènes de projets inachevés», soutenant que le peuple doit reprendre confiance avec son Etat. Dans la même veine, il a abordé la question des biens immobiliers sans maître ou à l'abandon, en affirmant que l'Etat doit «reprendre ses biens». Selon le Premier ministre, l'Etat ne doit plus donner cette impression délétère. «Cela n'est acceptable ni au niveau des wilayas, ni des daïras, ni des communes, ni des autres ramifications administratives.» La reprise des biens vacants (300.000 logements à travers le territoire national), a été émise comme principe par le Président de la République, notamment lors de sa dernière visite dans la wilaya de Jijel. M.Benflis a, également, insisté sur l'ouverture du dialogue entre l'administration et, par exemple, les habitants des bidonvilles, en cours de relogement «afin d'encourager l'esprit de confiance et de mettre fin aux accusations». Et d'ajouter: «Vous savez bien de quoi je veux parler.» Il a même proposé à la commission chargée de l'étude des dossiers, de demandes de logements, dans le cadre de la location-vente, d'organiser une rencontre avec les 4600 demandeurs dont les dossiers ont été acceptés, afin de leur expliquer que pour le programme 2001, seuls 2500 logements sont disponibles et qu'il faut patienter, en attendant le tout prochain programme 2002. «Un dialogue dans un cadre associatif organisé, afin de rétablir la confiance», tel est le credo du Chef du gouvernement. Avant de se diriger vers le bidonville appelé 4e-Km ou encore «New York», Benflis a fait une courte pause au Café-des-Aurès, alors qu'un citoyen criait à qui voulait l'entendre: «Vive le FLN». Le bidonville vit dans la précarité qui n'a que trop duré. Le Premier ministre et quelques membres de son gouvernement ont visité des maisons en parpaing et en tôle, écouté les doléances, mille fois répétées, en vain «Cette fois, promet Benflis à une vieille femme, le problème sera réglé.» Dominant la foule, il a solennellement déclaré que les 600 familles recensées au niveau du bidonville, seront relogées, avant le 31 décembre 2001, dans des «logements décents» construits sur ce même site. «Vous avez ma parole», a-t-il déclaré devant cette multitude, tout en précisant: «Personne n'a le droit de s'interférer pour régler les problèmes!» Avant de rejoindre la minoterie privée de la commune de Didouche-Mourad et le baptême d'une cité de 1700 logements sociaux au nom d'El Wiam, le Chef du gouvernement a inspecté l'ex-site, qui demeure pourtant toujours, «habitats précaires» (traduisez bidonville) du Polygone. Autre temps fort de cette journée de visite, la réouverture du théâtre de la ville après 19 mois de travaux de rénovation. L'on découvre un Benflis sensible à la poésie qui évoque la beauté du Vieux-Rocher et qui n'hésite pas à réciter des vers de Moufdi Zakaria et de Abdelkader Ben Mohamed. Il s'est souvenu des pièces de théâtre qu'il avait, dans son jeune âge, appréciées dans ce bel espace, et n'a pas manqué de saluer la mémoire des Alloula, Medjoubi, Cheb Hasni et autres victimes de la barbarie. A pied, la délégation officielle a rejoint le palais de justice. Dehors, parmi la foule, des familles de disparus venues crier leur douleur. Elles viennent régulièrement à cet endroit pour manifester. A l'intérieur, Benflis s'est senti parmi ses pairs, lui, l'ex-avocat. «Je ne pouvais pas ne pas venir vous rendre visite, a-t-il dit aux nombreux avocats, juges et autres fonctionnaires de la justice, mais je suis là aussi pour vous annoncer que l'Algérie va vers la stabilité.» Benflis a synthétisé les réformes de la justice en un principe fondateur: «Etat fort, plus de liberté et des libertés.» Retour aux années lycée, Benflis est accueilli dans l'établissement où il avait fait ses études secondaires, le lycée Hihi-El-Mekki. Il a salué chaleureusement ses anciens professeurs et a longuement parlé de la nécessité de l'ouverture sur le monde en encourageant l'enseignement des langues étrangères. Mais alors qu'on s'attendait à plus d'engagement sur le dossier de la réforme, bien que les langues étrangères y figurent en force, le Premier ministre s'est largement étalé sur les efforts «budgétaires» de l'Etat vers le renforcement de l'encadrement social (solidarité envers les couches défavorisées) en donnant, chiffres à l'appui, les arguments concrets de cette orientation. La rencontre avec la société civile, au centre culturel Malek-Haddad, a été marquée par ce cadre de l'Unja qui s'est prononcé pour que l'Etat libère plus l'initiative de la société civile. Courte intervention devant l'empressement apparent du wali. Le parcours s'est terminé avec la visite de la mosquée Emir Abdelkader et une réunion avec les autorités locales, les cadres et les élus de la wilaya au niveau de l'Université de Constantine.