L'affaire est intervenue à la veille de la comparution de nos confrères devant la justice. Il ne se passe presque plus de jour qui ne soit porteur de nouveaux incidents cristallisant le harcèlement sans précédent déclenché par le pouvoir contre certains titres de la presse privée algérienne. C'est ainsi que, telle une traînée de poudre, la nouvelle a vite fait, hier, le tour des rédactions: «Les policiers sont de nouveaux postés à l'entrée de la maison de la Presse de Belcourt pour arrêter trois journalistes du Soir d'Algérie.» Il s'agit de Fouad Boughanem, Hakim Laâlam et Kamel Amarni. Très tôt le matin, des dizaines de journalistes et de photographes se sont agglutinés à l'entrée de la maison de la Presse où s'étaient garés deux véhicules banalisés venus embarquer nos collègues. Le directeur de NewPress, Wahab, a tenté de tuer le temps, passant trop lentement, en plaisantant : «Le policier qui fait la une dans les journaux semble soigner son look». C'est l'image de marque de la police qui est en jeu. Sous un soleil de plomb, une longue attente commence, alors que les policiers, visiblement gênés, ne souhaitant pas interpeller des journalistes comme de vulgaires malfrats, ont fini par aller se garer plus loin afin de ne pas affronter les regards et les discussions animées (également politiques) des journalistes. Nacer Belhadjoudja, en sortant, est interpellé par les policiers. Ils reviennent vite sur leur méprise puisqu'il ne figure pas dans la liste des personnes recherchées. A 13 heures trente minutes, le dispositif finit par être levé. L'on croit savoir que l'ordre serait venu d'en haut. Il serait question de reporter l'interpellation pour demain (c'est-à-dire aujourd'hui). «C'est parce qu'il se fait tard. S'ils devaient les entendre au commissariat puis les présenter au procureur de la République, ils seraient obligés de leur faire passer la nuit dans les geôles. Vous imaginez l'impact que cela aurait sur les opinions nationale et inter- nationale», commente un confrère. Mais on reste prudent. Il peut s'agir d'une ruse puisque les policiers et leurs voitures sont connus comme des loups blancs. Ils ont pu se retirer en laissant sur place d'autres guetteurs. Encore une fois, la nouvelle du départ des policiers fait le tour de la maison de la Presse. Les journalistes «recherchés» arrivent à la maison de la Presse, en grandes pompes, environ un quart d'heure plus tard. Fouad Boughanem a tenu à remercier la presse pour sa présence en force autour de lui et de son équipe avant de supposer, à juste titre, que «ce n'est que partie remise puisque les policiers reviendront forcément demain (aujourd'hui) pour accomplir l'ordre qui leur a été donné». Ce même jour, les journalistes du Matin, dont le rédacteur en chef, Youcef Rezoug, ainsi que son épouse, sont convoqués aujourd'hui devant la justice. Le procès, pour attroupement et atteinte à l'ordre public, a été reporté une première fois la semaine passée. Le journal Le Monde, dans son édition de lundi, a réservé une bonne place à cette question. Il a cité les journaux qui avaient décidé de faire grève en guise de protestation contre les harcèlement dont ils sont victimes, précisant que le pouvoir ne se satisfait plus de leur ton libre et indépendant depuis que la présidentielle de 2004 a commencé à frapper aux portes.