Est-il digne d'un ministre d'Etat d'user de propos injurieux à l'adresse d'un citoyen, un ancien moudjahid qui plus est? Le ministre de l'Intérieur a été amené à s'exprimer, hier, sur l'affaire le concernant rendu publique il y a quelques jours par le journal Le Matin. Mais au lieu de s'arrêter sur son fond, d'en démonter les mécanismes et d'opposer les arguments lucides aux accusations, Yazid Zerhouni a préféré se réfugier dans une «sainte colère», qualifiant son accusateur de «salaud». Un mot pour le moins malheureux, venant de la part d'un très haut commis de l'Etat, en pleine conférence de presse, destiné donc à être répercuté par tous les médias algériens, voire planétaires. L'injure, car sur le plan juridique c'en est une, vient d'un ministre d'Etat, adressée à un ancien moudjahid alors que nous sommes en 2003, que la démocratie, la presse privée et la justice permettent largement de se faire justice légalement comme est en train de tenter de le faire M.Sadaoui. Zerhouni, pourtant, a été longtemps diplomate, y compris dans la capitale US. Après les actes et propos de Hadjar, voilà une nouvelle et piètre image de certains de nos ambassadeurs. Réagissant aux propos de Yazid Zerhouni, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, notre confrère Mohamed Benchicou, a déclaré hier à L'Expression que «ce qui est affligeant, c'est d'entendre un ministre de la République jeter l'anathème sur un citoyen moudjahid, qu'il a voulu spolier de son local, qu'il traite de salaud, et sur un journal indépendant ainsi que son directeur qu'il traite par la médisance. M.Zerhouni aurait dû, à la place de ces turpitudes, s'expliquer devant l'opinion publique devant l'opinion nationale sur son passé de tortionnaire. Il n'y a aucune raison que le tortionnaire Aussaresses réponde devant la justice de son pays, et Zerhouni qui, pour l'heure, est encore présumé coupable de torture, se sente au-dessus de la justice algérienne. Pour ma part, je suis disponible pour me présenter devant la justice de mon pays comme je l'ai fait avec Betchine, Shorafa et Orascom. L'essentiel est que la vérité, toute la vérité, éclate, pour les Algériens, parce que c'est notre rôle en tant que journalistes de débusquer ceux qui ont mis l'Algérie à genoux». Il est hélas vrai que ce ministre commet des «bévues» presque à chacune de ses sorties médiatiques. Cette fois-ci, il a donné l'air de vouloir les collectionner, puisqu'il a enchaîné sur des attaques en règle contre le directeur du Matin, se demandant d'où il tient sa fortune. Oubliant que ce journal florissant existe depuis plus d'une dizaine d'années et qu'il se vend bien, même en France. Et puis, ce ne serait guère livrer quelque secret à Zerhouni que de lui suggérer, s'il veut réellement s'attaquer aux fortunes mal acquises, de s'arrêter un peu sur les hauts responsables, présents et passés. Il a toute latitude et les pouvoirs nécessaires de le faire. Vouloir de la sorte dénaturer la réussite médiatique et sociale d'un confrère n'équivaut à rien moins qu'à un anathème lancé à la figure de la presse algérienne. Elle en a vu d'autres, certes. Loin de s'arrêter en si «bon» chemin, encouragé il est vrai par les questions des journalistes, Zerhouni a ajouté, abordant la question du FLN, que son département pourrait intervenir au cas où de nouvelles atteintes à l'ordre public seraient signalées. Il ne précise pas pourquoi ce même département a observé, peut-être encouragé à travers sa passivité, les graves et terribles attaques perpétrées contre des mouhafadhas du FLN. A cette époque, quand le ministre pensait, au même titre que Hadjar, que les «putschistes» avaient toutes les chances de gagner, il laissait faire et préférait parler d' «affaires internes au FLN». Ce ne semble plus être le cas, à présent que les partisans de la légalité ont pris le dessus et conforté, plus que jamais, la position de Ali Benflis au poste de secrétaire général de ce parti de candidat du FLN lors de la future présidentielle.