quatre ans de pouvoir ont fini par donner à l'homme l'illusion de détenir des superpouvoirs. L'histoire d'Ali Benflis et d'Abdelaziz Bouteflika est digne de figurer en bonne place dans les fables de La Fontaine, tant elle nous rappelle l'histoire de ce bouc qui aida le renard à sortir du puits en lui faisant la courte échelle avec la promesse que ce dernier lui «renvoie l'ascenseur», comme on dit. Mais dès que le rusé carnivore a retrouvé l'air libre grâce à l'aide précieuse du caprin, il s'empressa d'oublier sa promesse. La virée du président de la République dans la capitale des Aurès rappelle à tous que Benflis a été le directeur de campagne de l'ex-candidat du consensus en 1999 et qu'il le reçut en grande pompe à Batna, lui faisant même vêtir le burnous de l'honneur et de l'hospitalité par le bouillon colonel Hadj Lakhdar. Les temps ont décidément bien changé et c'est en solo qu'Abdelaziz Bouteflika se rend dans les Aurès, car de lâchage en trahison, de coup fourré en croc-en-jambe, il est parvenu à faire le vide autour de lui et à liguer les principales forces politiques et sociales du pays contre lui. On a déjà vu par le passé ce qu'on appelle des renversements d'alliance, mais du président Bouteflika, c'est carrément un gaspillage de force, de quelqu'un qui lâche la proie pour l'ombre en croyant réussir une bonne opération. On ne peut pas avoir bénéficié à ce point, comme lui en 1999 d'une large coalition de partis et de forces et se faire hara-kiri en se brouillant avec tout le monde, du RCD au FLN. Là où il fallait du tact et de la diplomatie pour se rallier des soutiens politiques ou tout au moins pour sauvegarder ceux qu'il possède déjà, le président a multiplié les coups de gueule, les rodomontades, les manigances pour rester seul. C'est qu'il a tout fait pour affaiblir le RND et consolider le FLN et il a réussi dans cet objectif, mais aujourd'hui il fait exactement le contraire. Il y a une telle persévérance dans l'erreur que l'homme apparaît tel qu'il est : sans consistance politique, sans épaisseur. Absence de stratégie et navigation à courte vue se conjuguent pour enlever au prétendant à un deuxième mandat, les soutiens auxquels il aurait pu prétendre si son bilan n'avait pas été aussi médiocre. En choisissant de s'appuyer prioritairement sur un clan et des hommes de confiance sans base sociale et sans appartenance politique, le président essaie maintenant de rattraper ce déficit en s'offrant des bains de foule factices, imaginés et mis en scène par un entourage qui brille par son amateurisme. Malheureusement, quatre ans de pouvoir ont fini par donner à l'homme l'illusion de détenir des supers pouvoirs. On en veut pour preuve, le fait qu'il ne cherche plus à se tailler une constitution sur mesure, celle qui existe déjà lui donne des prérogatives régaliennes. Ayant brûlé tous ses fusibles, changé de chefs du gouvernement plus que de raison, il oublie qu'au début de son mandat il avait lui-même affirmé qu'on lui avait fixé «une ligne rouge» à ne pas franchir. Mais maintenant, il se donne carte blanche et prétend appliquer la politique qu'il veut et avec qui il veut. Ira-t-il jusqu'à reporter l'élection présidentielle pour prolonger de manière factice son mandat, en passant outre la légitimité des urnes? En attendant, le rapport sur le développement industriel 2003, élaboré par l'Organisation des nations unies pour le développement industriel (l'Onudi) classe l'Algérie à la 74e place, dans le lot des pays les moins avancés, et loin derrière la Tunisie (classée 45e) et le Maroc (53e). Cela veut dire que le premier mandat d'Abdelaziz Bouteflika n'a pas placé l'Algérie sur la rampe de la croissance, mais bien sur celle du sous-développement.