Jamais, une opération militaire n'aura été plus énigmatique que celle des monts des Babors. Celle de Bentalha, en 1996, était pourtant autrement plus spectaculaire, sans pour autant déchaîner autant de passions, de bilans contradictoires et de spéculations sur l'avenir des groupes terroristes encore en activité dans le pays. Il est vrai qu'à cette époque, l'opération avait été suivie de bout en bout par la presse, régulièrement tenue au courant des évolutions de la situation par des officiers supérieurs spécialement dévolus à cette mission, afin d'éviter les spéculations et les fausses informations, pouvant déboucher sur de l'intox. Ce que nous vivons aujourd'hui, sans vraiment savoir pourquoi. La presse, coupée de toutes sources crédibles, ni autorisées, a commencé par évoquer cette opération, qui a duré plusieurs semaines, qui a vu l'élimination de pas moins de 150 terroristes. De quoi sauter de joie au plafond, sachant que le nombre de terroristes actifs et dangereux est à peine le double de ce chiffre. Les rumeurs ont continué, plus persistantes que jamais, qui ont fait état de la libération de et d'enfants, mais aussi de la récupération de nombreuses armes, y compris des pièces lourdes, notamment des FM et des RPG. Un arsenal censé être inexistant depuis les nombreux coups de boutoirs reçus par les maquis, coupés de leurs relais, et contraints le plus souvent à la défensive. Zerhouni, dans une conférence de presse, à l'occasion de la visite de Bouteflika à Bordj Bou-Arreridj, avait tenté de remettre les pendules à l'heure en indiquant que seulement 33 terroristes ont été éliminés. Mal lui en a pris puisque quelques jours plus tard, le commandant de la cinquième région militaire, dont dépendent les redoutables monts des Babors, où se déroulaient toujours ces opérations, a convoqué la presse pour contester ces chiffres et les réviser à son tour à la baisse. L'on se demande alors d'où ont bien pu provenir les deux premières informations, de même que celle qui a fait état de la destitution de Hassan Hattab, sous le couvert de desseins sans doute proches des raisons qui avaient évoqué les150 terroristes abattus. A savoir, signifier la fin du GSPC, en même temps que son patron, afin de tenter de tuer dans l'oeuf le plan de paix qu'aurait élaboré Abassi Madani et dans lequel le GSPC, seul groupe armé encore organisé dans le pays, jouerait un rôle de tout premier ordre. Ouyahia, comme la cerise sur le gâteau, évoluant dangereusement entre ces deux tendances, qui, désormais, s'affrontent à couteaux tirés, a éludé les chiffres, sans doute pour la toute première fois de vie, lors de sa conférence de presse de ce mardi. Il s'est, en effet, contenté de confirmer l'élimination d'un «certain nombre de terroristes», ajoutant que Hattab était un criminel, et que même s'il ne restait que cinq activistes dans le pays, ils pourraient quand même assassiner des gens et détruire des infrastructures alors que le Président a toujours dit qu'un mort de plus est toujours un mort de trop. Le tout est intervenu sur fond de rumeurs et de polémiques autour d'une rencontre, supposée ou pas, entre le président Bouteflika et l'ancien numéro un de l'ex-FIS à Kuala Lumpur. Un détail de taille, qui constitue peut-être le noeud du problème si l'on se remémore l'insistance avec laquelle le chef du gouvernement s'était attelé à démentir cette rencontre. Or, Ouyahia sera-t-il le dernier à parler ? Mieux, le dernier mot revient-il toujours à celui qui a raison?