C'est mal parti pour un gouvernement qui a épuisé toutes ses cartouches entre septembre et octobre 2003. Le gouvernement Ouya-hia a raté sa rentrée sociale. C'est le moins que l'on puisse dire, à voir le mécontentement qui gagne, de proche en proche, de nombreuses catégories socioprofessionnelles. Misant sur sa double rencontre avec le partenaire social, le pouvoir exécutif entendait amortir les effets d'une rentrée sociale déjà qualifiée par les observateurs de problématique. En effet, la détérioration du pouvoir d'achat des Algériens contredit les annonces répétées quant à l'évolution très positive de la situation financière du pays. Aussi, les augmentations salariales concédées lors de la bipartite et de la tripartite n'auront pas eu l'effet escompté par le gouvernement. Ce dernier se retrouve au lendemain de ses décisions en butte à une grogne sociale qui touche les enseignants du secondaire et les travailleurs de la Sntf à l'échelle nationale. Devant ce que de nombreux observateurs qualifient, à juste titre, d'impasse, les pouvoirs publics n'ont trouvé d'autre moyen que la répression pour briser ces deux mouvements sociaux. En effet, les mises en demeure et autres interpellations d'enseignants grévistes renseignent sur un certain désarroi du gouvernement à gérer par le dialogue des situations qui semblent lui échapper. La brutalité de la réaction a conduit à l'arrestation de professeurs de lycée, ce qui est considéré par beaucoup comme un acte inacceptable au vu du rang que sont censés occuper ces éducateurs au sein de la société. Cela dit, l'effervescence sociale, intervenue à quelques jours de l'annonce des résultats de la tripartite, n'est pas près de baisser du fait que beaucoup de travailleurs voient dans certaines décisions une sorte d'injustice. A ce propos, nombreux sont les Algériens qui s'estiment lésés et pointent un doigt accusateur en direction de l'Etat pour n'avoir pas été concernés par des augmentations ayant touché de manière parcimonieuse certains corps professionnels au détriment d'autres. Aussi, faut-il craindre un embrasement du monde du travail, essentiellement dans le secteur public, dans une logique de surenchères, provoquée du reste par certaines décisions des pouvoirs publics à l'image de celle qui a concerné les travailleurs des P et T, que lorgnent justement les cheminots. Autant dire donc que c'est mal parti pour un gouvernement qui a épuisé toutes ses cartouches entre septembre et octobre 2003, pensant désamorcer la bombe sociale. C'est également le cas pour l'Ugta, principal interlocuteur des pouvoirs publics, dont le rôle traditionnel de tampon social n'aura pas été efficace pour cette rentrée sociale précisément. En effet, la centrale syndicale a mis tout son poids dans les négociations avec le gouvernement, mais il semble que cela n'a pas suffi à calmer la grogne des travailleurs qui va en s'amplifiant. A quelques mois de la présidentielle, la rentrée ratée, dont sera comptable le chef du gouvernement, pèsera d'une manière ou d'une autre sur une campagne électorale où les conditions sociales constitueront sans doute l'axe central de la campagne électorale. Ouyahia, qui, pas plus tard qu'avant-hier, affichait une satisfaction sur toute la ligne, devra trouver le moyen de faire baisser la tension sans consentir d'autres dépenses. Il se trouve que pour seule réponse aux revendications des travailleurs, l'Exécutif sort la carte de la légalité des actions engagées par les grévistes et tente, par ce biais, d'étouffer le mécontentement qui menace de s'étendre à de nombreuses catégories socioprofessionnelles. Cette démarche, enclenchée il y a quelques jours avec l'arrestation d'enseignants, ne semble pas affaiblir le mouvement de contestation, bien au contraire. Aussi, l'Algérie est dans une véritable situation d'impasse au plan social, estiment les observateurs avertis: le gouvernement affirme ne pas pouvoir donner plus, d'un côté, et la société fait pression dans le but d'en finir une bonne fois pour toutes avec la malvie, de l'autre. Une équation apparemment impossible à gérer et qui devrait amener Ouyahia à tempérer quelque peu son optimisme, du fait qu'il va avoir un autre dossier très brûlant à prendre en charge.