Plusieurs corps décapités ont été découverts ces derniers jours. Le bulletin d'information quotidien de la gendarmerie nationale, datant du 27 octobre, fait mention d'une découverte d'un genre qu'on croyait disparu depuis le recul du terrorisme urbain en Algérie : le 24 octobre, un corps de sexe masculin, décapité et démembré, a été découvert en bordure de la route, à hauteur de l'échangeur de Bab-Ezzouar. Le corps est, à ce jour, dans les tiroirs de la morgue d'El-Alia. Le lendemain de cette découverte, des membres inférieurs sont trouvés à Hydra, et là encore, la police scientifique et la gendarmerie locale déclenchent une enquête. Le 26 octobre, c'est-à-dire deux jours après la découverte du tronc d'homme à Dar El-Beïda, une tête est retrouvée près de la plage Sidi El Hadj, dans la commune d'El Marsa, à Aïn Taya. Selon les premières indications de l'enquête, la tête en question est celle d'un homme âgé d'environ 45 ans tué en début de semaine. Remarquez que les membres inférieurs sont à Bir Mourad Raïs que le tronc se trouve à El-Alia et que la tête repose à l'hôpital de Rouiba, et que dans ce cas, il n'est pas aisé de dire, aujourd'hui, s'il s'agit des parties éparpillées d'une seule et même personne. Cette découverte toute macabre qu'elle est, aurait été mise sur le compte d'un «terrorisme résiduel» s'il s'était agi d'un cas isolé. Seulement, voilà: presque le même jour, le 26 octobre, un corps sans vie, les pieds attachés et portant des traces de violence, a été trouvé sous le pont de Oued Yesfer, au lieu dit Mechtat Ledjmène, par la gendarmerie de Fkirina, dan la wilaya de Oum El-Bouaghi. Alors qu'à Tizi Ouzou un autre corps sans vie, portant traces de violence, a été découvert au lieu dit Pont de Rehahlia, gisant dans un étang. Cette série d'assassinats, avec une violence poussée à son paroxysme, intervient à un moment où le terrorisme semble s'effacer devant le crime organisé et le grand banditisme. L'année dernière, une enquête similaire avait déjà permis de dresser un tableau très inquiétant de la situation, notamment en région kabyle où le terrorisme, les tensions sociales, l'exacerbation des conflits et la déchéance de la société se mêlent et se démêlent dans une spirale vertigineuse. Pas un jour ne passait sans que ne soient découverts des corps sans vie, écartelés et jetés à la lisière d'un oued ou laissés en bordure de route. Un simple coup d'oeil sur les informations quotidiennes diffusées par la gendarmerie où les rapports de police font ressortir qu'au moins 100 à 150 cadavres sont annuellement trouvés quelque part dans la nature, sans que l'acte terroriste soit concrètement établi comme mobile du crime. Souvent ces cadavres, étêtés, méconnaissables ou sans papiers qui aideraient à les identifier, sont mis dans les tiroirs des morgues. Au bout d'une année, la quasi-totalité de ces corps ne sont ni réclamés par leurs parents ni mis sous terre. Les odeurs devenant de plus en plus pestilentielles, le procureur de la République délivre, souvent à la hâte, des permis d'inhumer aux directeurs d'hôpitaux, et les corps, en bout de piste, sont enterrés sous le nom de «X Algérien». L'année dernière, l'hôpital de Tizi Ouzou en a enterré au moins treize «car leurs odeurs commençaient à infecter les lieux». Selon un responsable de la PJ de la wilaya d'Alger, «beaucoup d'assassinats de jeunes nomades ou de villageois sont rapportés chaque semaine sans qu'on soit sûr de la nature terroriste du crime». Voilà donc les sécrétions sociales très dangereuses d'un pays dont les distorsions politiques ont mené à des dérives graves. Et le pire semble (re)venir...