Les femmes en force dans la nouvelle APN La démarche suivie par la direction du FLN, qui a écarté des listes des législatives des militantes formées, cache-t-elle une volonté de détourner le sens de la loi? Nul ne peut contester qu'à l'APN sortante, le président de la République a confié l'examen et l'adoption des lois organiques portant réforme politique profonde: loi relative au régime électoral, loi sur les partis politiques, loi organique fixant les modalités augmentant les chances d'accès de la femme aux assemblées élues. Parmi ce florilège de lois suprêmes, celle qui retient particulièrement notre attention est évidemment la loi n°12-03 du 12 janvier 2012 fixant les modalités augmentant les chances d'accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues. La décision éminemment juste et réfléchie du chef de l'Etat vient mettre fin à une attitude abusive et vexatoire des partis politiques. Le constat La haute décision découle bien entendu principalement d'un constat: l'histoire atteste de la participation de la femme au combat de Libération nationale et ce, jusqu'au sacrifice suprême. Au lendemain de l'Indépendance, la femme combattante et la femme en général sont écartées de l'action politique. Alors que la démocratisation de l'enseignement supérieur a ouvert tous les secteurs d'activité à la femme (administratif et techniques), celle-ci a rempli sa mission avec compétence en sus de sa mission d'épouse et de mère. Le rôle de la femme dans le domaine politique a été circonscrit durant la période du parti unique à un rôle de pure représentation femme alibi, joué essentiellement par l'organisation féminine l'Unfa (représentation par les quotas dans le comité central du FLN et absence dans les structures dirigeantes). Nonobstant la compétence, l'engagement de ces militantes, les centres de décision du parti, du syndicat et de l'Etat étaient inaccessibles et leurs représentations dans les assemblées élues insignifiantes. Il faut souligner que la situation est restée en l'état avec le multipartisme en 1989. Que d'énergies, que idées nouvelles ont été refoulées parce que la volonté politique était absente! Au cours de la tragédie nationale, la femme monte au créneau pour défendre le droit des femmes. Ces «mères courage», secrétaire générale de 1'Unfa, présidentes d'associations, cadres dans l'administration, la justice, dénoncent les abus de droit, rendent des décisions exemplaires malgré les risques et les menaces. La décision historique C'est ainsi que, de l'analyse de l'organisation et du fonctionnement de l'Exécutif, il est révélé la part réservée au rôle de la femme dans la prise de décision. Le gouvernement comporte un ministère de la Solidarité auquel est rattaché un secrétariat d'Etat à la famille!... Secrétariat d'Etat dont le rôle est tellement insignifiant que sa participation au débat sur la loi n°12-03 (représentation de la femme) a été nulle. Les textes fondamentaux de la Révolution, les Constitutions et Chartes nationales de l'Etat indépendant affirment solennellement l'égalité des droits et des chances des citoyens et citoyennes. Cependant, aucune mesure légale ou partisane n'est entreprise en cette direction. Face à cette marginalisation flagrante de la moitié de la population, le président de la République introduit l'amendement de l'article 31 de la Constitution par l'ajout de l'article 31 bis qui dispose: «L'Etat oeuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues.» Après débat fructueux, l'APN l'adopte en 2008. Il est précisé que l'application de cet article sera fixée par une loi organique (donc norme suprême à la loi). En exécution donc de l'article 31 bis de la Constitution est déposé sur le bureau de l'APN, la loi organique n°12-03 du 12 janvier 2012 fixant les modalités augmentant les chances d'accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues. Celle-ci définit dans son article 2 le pourcentage de sièges revenant aux femmes dans les assemblées élues dépassant de ce fait le principe rétrograde allouant des quotas aux femmes. Mobilisation et action Répondant à l'appel du président de la République, les 30 femmes députées siégeant à l'APN, toutes sensibilités confondues, aguerries par leur formation durant le mandat à l'étude des lois aux finesses juridiques, se mobilisent autour du projet. Leur action discrète, efficace dans la commission juridique, leurs amendements, le dialogue avec le genre masculin réticent, voire hostile sont néanmoins arrivés à rassurer et convaincre que la loi est un message de confiance dans la vision de l'avenir de l'édification d'une société arrimée aux valeurs de l'Islam et l'esprit de Ben Badis, qui rappelait que la femme constitue la cellule de base de la société; et la loi fut adoptée à une grande majorité! Enjeux et défis Il faut cependant relever le paradoxe de la démarche suivie par la direction du FLN qui a écarté des listes des législatives, de mai 2012, ces militantes formées au débat parlementaire dont le nombre devait, grâce à la loi 12-03, être renforcé par les nouvelles élues, assurant de ce fait la transition et une stratégie inscrite dans l'esprit même de la loi. Ce non-sens cache-t-il une volonté de détourner le sens de la loi? Le mérite revient aussi et incontestablement à l'ensemble des députés de l'APN et à son président qui, face à la mission historique confiée par le président de la République, conscients des enjeux et défis de l'heure, ont démontré qu'ils étaient hommes de bonne volonté et présents aux rendez-vous, faisant fi de tout esprit partisan, ont enrichi et voté les lois confiées à leurs consciences. Les militantes nouvellement élues vont devoir affronter une mission lourde à laquelle elles ne sont pas préparées, la mission de parlementaire n'est pas essentiellement technique, mais éminemment politique et sociale. Il leur appartient de prouver que la décision du président de la République et le vote des citoyens qui ont répondu à son voeu ne sont pas vains. Inchallah.