Les Algériens s'accrochent à des chimères à défaut de projets réalisables Avec peu de moyens, des pays ont construit des villes de dimension universelle. Avec 400 milliards de dollars, l'Algérie a bâti des bidonvilles modernes. Les Algériens en ont rêvé. On le leur a promis depuis longtemps. Mais ils ne voient rien arriver. Une ville digne de ce nom pour les Algériens? Ce n'est certainement pas demain la veille. Des projets de construction de grandes villes comme celles des pays du Golfe ont été annoncés depuis des dizaines d'années. Des pays moins riches que l'Algérie ont construit depuis des miracles. Mais l'Algérie a préféré renvoyer ça aux calendes grecques. La ville ultramoderne de Boughezoul dans la wilaya de Médéa, celle de Hassi Messaoud à Ouargla ou encore les villes de Sidi Adbdellah et Alger Médina, les Algériens s'accrochent à des chimères à défaut de projets réalisables tant l'attente est longue.Quant aux autres villes, constituées de quelques bâtiments, qu'on construit ici et là, elles ressemblent plus à des bidonvilles modernes qu'à des villes à proprement dit.Pourtant, ce n'est pas l'argent qui manque. Depuis 1999, l'Algérie a dépensé plus de 400 milliards de dollars. Mais elle ne peut pas construire une ville à la hauteur des aspirations de son peuple.Faisant le zoom sur le projet de la nouvelle ville de Boughezoul, commune de la daïra de Chahbounia, distante de 89 km de Médéa, le chef-lieu de wilaya, annoncé depuis le début des années 1980, à l'époque du président Chadli Bendjedid.Le projet traîne et refuse de voir le jour. Les Algériens doivent peut-être patienter à défaut de désespérer.Et aujourd'hui, on est juste au stade de désigner l'entreprise qui va construire la ville.En effet, le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement a annoncé, avant-hier, que la réalisation du siège de la ville nouvelle de Boughezoul, dans la wilaya de Médéa, a été confiée au groupe sud-coréen Daewoo Engineering & Construction pour plus de 100 millions de dollars. Le projet aboutira-t-il cette fois-ci?Les observateurs avertis se souviennent certainement qu'en 2009, le même projet avait été attribué au groupe chinois Sinohydro pour près de 64 millions d'euros avant que le contrat ne soit annulé. D'une superficie totale urbaine de 3653 ha, le projet de la ville consistera en la réalisation d'ensembles d'habitations, d'une zone d'activités qui s'étalera sur 589 ha où seront implantés des commerces, des hôtels, un district administratif primordial et un pôle de compétitivité et d'industrie technologique de pointe.Avec une architecture des plus modernes, le territoire de la nouvelle ville de Boughezoul sera organisé autour de plusieurs ensembles qui, outre la zone urbaine, comprendront un grand ensemble commercial de 116 ha, une base logistique de 335 ha, une gare intermodale et une plate-forme de marchandises de 305 ha, une zone d'extension de 1301 ha, une zone aéroportuaire de 500 ha, un lac de 1886 ha, des zones d'exploitations agricoles de 1839 ha et celles de la protection de la ville de 2578 ha. Les lecteurs pourront rêver en attendant que cela devienne une réalité.Un autre projet, une autre histoire, une autre déception. La nouvelle ville de Hassi Messaoud, dans la wilaya de Ouargla, annoncé en grande pompe en 2003, peine à se matérialiser. Ce qui est supposé être la perle du désert, par ailleurs créée par décret exécutif n° 06/321 du 18 septembre 2006, s'est vu allouer une enveloppe de 6 milliards de dollars. Il y est prévu l'implantation d'un îlot énergie, des immeubles administratifs, des instituts universitaires, des centres de formation, de recherche et de développement, des lieux et centres de culte, des infrastructures, équipements et établissements du sport et de la jeunesse, des zones d'activités destinées à la production de biens et services liés aux activités énergétiques et universitaires.Là c'est la maquette qui parle. Car près de 10 ans après, on ne voit que la poussière.D'autres projets de villes existent. Ils sont devenus des fables. Alger Médina, annoncé par l'homme d'affaires, Abdelouahab Rahim, est une utopie pour les Algérois. Celle de Sidi Abdellah aussi. On se demande comment un Etat qui a dépensé plus de 400 milliards de dollars en 10 ans n'a pas pu offrir une ville digne de ce nom à ses citoyens. Qu'est-ce que l'Algérie offre donc aux Algériens et à ses visiteurs? Réponse de Denis Bauchard, ancien haut diplomate au Quai d'Orsay et conseiller auprès de l'Institut français des relations internationales qui a séjourné récemment en Algérie.«La première impression à l'arrivée en Algérie est celle d'un délabrement généralisé: délabrement des immeubles non entretenus, maisons écroulées ou abandonnées en pleine ville, comme dans la Casbah d'Alger. L'accumulation d'ordures et de gravats frappe également le visiteur, y compris dans le centre des villes et dans les quartiers résidentiels. Les rues, les routes, les trottoirs sont en mauvais état, parsemés de nids-de-poule quand ils ne sont pas effondrés. L'éclairage public est aléatoire». Décevant.