«La politique est l'art de profiter des sottises des autres et de s'en faire des rentes.» Alphonse Karr C'est toujours de l'étranger que parviennent les échos qui intéressent le pauvre bougre qui est en train de se demander comment il va falloir se payer la vignette qui survient à quelques encablures du mois sacré. Encore que durant ce mois sacré il ne sait pas encore à combien lui sera facturé un bout de viande de vache, elle aussi sacrée. Donc, c'est à Kuala Lumpur, capitale de la très respectable République de Malaisie, où se tient une conférence des pays producteurs de gaz et de pétrole, qu'un responsable algérien a fait une déclaration concernant le forage d'un premier puits de gaz de schiste. Evidemment, l'innommable contribuable algérien n'a pas été mis au courant des effets probables qu'une telle activité aura sur la nappe phréatique qui fait tout l'intérêt du Bassin d'In Salah qui alimente depuis peu, comme chacun le sait, la wilaya de Tamanrasset. Espérons toutefois qu'une enquête de commodo et incommodo auprès des autochtones de la région, aura été faite après bien entendu des études poussées par des bureaux spécialisés en la matière. Et souhaitons que ce n'est pas seulement l'appât du gain qui aura motivé ceux qui ont juré de transformer les produits pétroliers en châteaux en Espagne ou en articles made in Taïwan, à entreprendre une opération risquée qui est déjà remise en question dans des pays comme la France. Question qui a soulevé la colère des élus locaux et qui a tant pesé sur la campagne présidentielle que l'ancienne majorité a dû stopper bon nombre de contrats d'exploration. Mais avant de nous étendre sur les spéculations qu'un tel problème inspire, documentons-nous sur cette miraculeuse ressource qui tombe au moment même où plane la terrible menace du tarissement des ressources en hydrocarbures. Le gaz de schiste est un gaz d'origine naturelle, généré par la décomposition d'argile riche en matières organiques, et extrait à partir de terrains marneux ou argileux. Contrairement au gaz naturel, il est piégé dans les roches poreuses qui le produisent, et il est nécessaire de détruire la structure de ces roches pour pouvoir le récupérer. Il joue un rôle croissant dans l'approvisionnement en gaz aux Etats-Unis depuis le début du XXIe siècle. Le succès que rencontre ce nouveau type d'exploitation aux Etats-Unis est sous-tendu par les fortes subventions accordées, et par la législation locale, qui permet au propriétaire de mieux bénéficier des ressources du sous-sol qu'ailleurs. Le potentiel gazier des schistes intéresse aussi plusieurs gouvernements du Canada, d'Europe, d'Asie et d'Australie. Divers analystes s'attendent aussi à ce que le gaz de schiste puisse accroître considérablement les approvisionnements énergétiques mondiaux. Selon une étude d'un bureau d'études américain, l'augmentation de la production de gaz de schiste aux Etats-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu'ils exportent vers l'Europe. Donc, pour les pays occidentaux, c'est une volonté d'indépendance énergétique qui les pousse à recourir à cette nouvelle forme d'extraction. Toutefois, les risques sismiques et les problèmes environnementaux constatés, et notamment la pollution de l'air et de l'eau, entraînent une forte défiance de l'opinion publique et de certains gouvernements vis-à-vis de cette ressource. Le gaz de schiste présent dans les schistes argileux sédimentaires est produit depuis des années (gaz conventionnel) dans des schistes fracturés naturellement, mais la matrice rocheuse des schistes présente une faible perméabilité. L'exploitation commerciale à grande échelle nécessite donc une fissuration artificielle de la roche pour en augmenter la perméabilité; l'essor du gaz de schiste ces dernières années a été stimulé par l'utilisation à grande échelle de la technique de fracturation hydraulique. La fracturation hydraulique consiste à provoquer un grand nombre de micro-fractures dans la roche contenant le gaz, permettant à celui-ci de se déplacer jusqu'au puits afin d'être récupéré en surface. La fracturation est obtenue par l'injection d'eau à haute pression dans la formation géologique, autour du point d'injection. On ajoute des additifs dans l'eau afin d'améliorer l'efficacité de la fracturation: du sable de granulométrie adaptée, qui va s'insinuer dans les micro-fractures et empêcher qu'elles se referment; des biocides destinés à réduire la prolifération bactérienne dans le fluide et dans le puits; des lubrifiants qui favoriseront la pénétration du sable dans les micro-fractures ouvertes par la pression de l'eau; des détergents qui augmentent la désorption du gaz et donc la productivité des puits. La multitude de puits forés en fait une technique inadaptée aux milieux urbanisés. C'est la raison pour laquelle son exploitation en milieu désertique peut paraître sans danger pour les Homo sapiens que nous sommes. Jusqu'à nouvel ordre naturellement.