Un hommage à ce grand poète de l'exil prévu pour le 28 janvier prochain. «Un incident» vient de le compromettre... Nous savons que le marché du disque est incontrôlable en Algérie, un exemple effarant vient confirmer encore une fois cette triste réalité. M.Yazid Challal est président d'une association baptisée La Méditerranée à caractère laïque et interculturel et fondée par des hommes et des résidant en France et en Algérie. Il est aussi le directeur d'un magazine Les 2 Rives qui sortira prochainement simultanément en Algérie et en France. Les 2 Rives abordera chaque semaine l'actualité politique, économique, culturelle, nationale et internationale puisée de toute la presse de France et d'Algérie. Les 2 Rives a pour objectif de tisser des liens d'amitié entre les populations et les cultures des pays des deux rives de la Méditerranée. Yazid Challal est aussi producteur et éditeur de la société Les 2 Rives dans le domaine de l'édition du livre dont un des projets est de lancer une collection du livre «Ma petite collection», livre à moins de 120 DA, une sorte de Librio à 2 euros. Par ailleurs, Yazid Challal nous apprend avoir possédé un CD de chansons inédites de Slimane Azem qu'il comptait faire sortir à l'occasion du 21e anniversaire de la mort de ce chanteur, c'est-à-dire le 28 janvier prochain et ce, en collaboration avec le ministère de la Culture et l'Information et avec le soutien du commissariat de l'Année en Algérie en France. Or, le sac qui contenait le fameux CD a été perdu. «En 2001, Hadj Soulimane qui était le fondateur et le gérant de l'édition algérienne qui s'appelle aujourd'hui Les 2 Rives m'a cédé les droits de cession d'une bande originale de Slimane Azem. Des chansons qui ont été enregistrées en 1981, soit un an ou deux ans après sa mort. Quelques années plus tard, Hadj Soulimane part en retraite...», confie-t-il. Et le travail commence, on prépare la maquette, on traduit même les chansons en tamazight, en arabe et en français. Dernièrement, cheikh Nouredine qui avait chanté en duo avec Slimane Azem contacte M.Challal et l'informe qu'il possède un CD de 6 chansons inédites de Slimane Azem qu'il compte donner à Akbou Music, une maison d'édition installée à Béjaïa tout en sachant que Yazid Challal est le seul autorisé à produire cet album. Se rapprochant d'Akbou Music, le directeur de Les 2 Rives apprend que c'est le fils de cheikh Nouredine qui leur a donné le CD. «J'ai contacté certains avocats et en même temps, j'ai appelé le fils de cheikh Nouredine pour le prévenir de son acte délictueux et lui demander s'il avait un contrat qu'il me le montre. Il me parle des droits d'auteur qu'il confond avec la production qui sont deux choses tout à fait différentes. Ce n'était pas mon problème s'il voulait toucher de l'argent à la place des soeurs de Slimane Azem, mais quant au CD, il n'y a que moi qui ai le droit de le produire et le reproduire. Il me répond: on va essayer de se voir...». Cependant, à la grande surprise de M.Challal, le produit contenant ces fameuses chansons inédites a bel et bien été écoulé sur le marché, il y a de cela environ deux semaines. Stupéfait, M.Challal se demande par quel miracle et sur quelle base le contrat a été signé. «J'ai appelé Akbou Music pour leur demander ce qu'ils ont fait. Ils m'ont répondu que de toute façon, l'Etat n'existe pas en Kabylie et qu'ils ne font que faire profiter les amoureux de Slimane Azem de cette cassette», nous explique, effaré, M.Challal. Se rapprochant de l'Onda et après renseignement, le directeur de cet organisme affirme ne pas avoir donné l'accord pour l'édition de ce produit. Encore un cas de piratage dans cette jungle de l'industrie musicale. L'affaire suit son cours auprès de la justice. «Le magistrat m'a expliqué que c'est automatiquement le fils de cheikh Nouredine, Madjid, qui a volé le sac. Même si ce n'est pas lui qui a commis cet acte. Le sac est bien entre ses mains parce que même mes proches ne le possèdent pas». Aujourd'hui, Yazid Challal espère arrêter le «massacre», du moins faire retirer cette K7 du marché en attendant le jugement. Slimane Azem, un des plus grands poètes et chanteurs kabyles algériens, est né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghran ; il est mort à Moissac (Tarn et Garonne) le 28 janvier 1982. Il est arrivé en France dès 1937 et entame une immersion précoce dans les tourments de l'exil. Sa première chanson, A Mouh a Mouh consacrée à l'émigration paraît dès le début des années 1940, elle servira de prélude à un répertoire riche et varié qui s'étend sur près d'un demi-siècle. Slimane Azem représente pour le XIXe ce que Si Mohand fut pour le siècle dernier : le témoin privilégié d'un monde qui vole en éclats. Dans ses chansons du chaos, Slimane Azem dénonce le règne du «ventre», les intérêts bassement matériels, de l'argent, de l'égoïsme. Cet éclatement charrie tout son cortège de maux, de misère dont la paupérisation, l'alcool. Slimane Azem décrit tantôt avec humour, tantôt avec une ironie caustique, ces hommes sur lesquels les arrivent à avoir de l'ascendant. Cette description d'un monde quasi apocalyptique n'a pas l'exclusivité dans l'oeuvre de Slimane Azem. Il était et reste pour toute une génération de Kabyles, le poète de l'exil : son évocation de la Kabylie, toute empreinte de pudeur, rappelle la douleur d'une plaie demeurée à vif. «L'argent que je devais gagner de ce CD était destiné à produire de jeunes auteurs et musiciens comme le groupe Index», affirme Yazid Challal avec dépit et rendre hommage à Slimane Azem en France et en Algérie cela voulait dire réhabiliter le statut de cet artiste et reconnaître notre amazighité.