Saïd L. est un énervé de par l'inaction de l'administration qui l'emploie, qui passe à l'action Saïd L. est un excité détenu car il serait coupable de destruction de bien d'autrui fait prévu et puni par l'article 407 du Code pénal (loi n°82-04 du 13 février 1982). Et en comparaissant face à Tassaâdit, Nadia Aït-Sidhoum, la jeune juge de Boufarik (cour de Blida) dans une salle d'audience pleine à craquer, Saïd L., trente-six ans, s'était beaucoup plus lamenté que défendu. Il n'a eu de cesse de pleurer sur son sort, lui, le salarié de l'administration agricole de Birtouta (Alger). Il a si bien pleuré qu'il n'a même pas entendu et donc compris les remontrances de la présidente très bien épaulée par la magnifique Djamila Benkhetou qui ne croit, en tant que représentante du ministère public, qu'au contenu du dossier ouvert sous les yeux du tribunal et un dossier plus qu'étoffé... «Dites-nous un peu, inculpé, vous aviez un problème? Vous l'aviez réglé en cassant la porte? Le parquet doute fort du bien-fondé de votre défense. Alors, qu'avez-vous à dire?» questionna la procureure qui était heureuse de s'apercevoir que même Aït Sidhoum, la magistrate du siège avait décidé de poser une autre question relative au repos du «casseur» après son acte. «Qu'est-ce qui vous a donc pris? Sur qui comptez-vous? Allez, éclairez un peu le tribunal», ajouta la juge qui sourira lorsque le détenu avait balancé: «Qu'est-ce que j'ai? Je n'ai que l'Eternel. J'ai Allah. On m'a ignoré. On ne m'a pas versé mon dû. Je fais l'objet de mépris», reprend à haute voix l'inculpé qui allait effectuer une sortie du genre d'une menace de suicide. Et c'est justement après cette menace que Benkhetou cracha son plus beau sourire en martelant: «Attention, la loi prévoit la prison à toute créature d'Allah qui rate son suicide. Et au cas où vous mourrez, personne ne suivra votre enterrement car l'Eternel a promis la géhenne aux suicidés qui passent le mur du...saut!». La présidente acquiesça avant de répéter: «La loi a aussi prévu l'interdiction de détruire le bien d'autrui mais aussi le remboursement des frais occasionnés par les dégâts constatés!». Saïd L. répond vite qu'effectivement, il était prêt à réparer les dégâts avant de préciser une condition de taille! «Qu'on me rendu ce que l'on me doit!» siffle l'inculpé qui était debout face au tribunal pour faire passer son message et non pas écouter ce que l'on lui soufflait dans son intérêt car il reste entendu que le détenu avait détruit un bien d'autrui et la loi punissait ce genre de délit. Il a la bougeotte. Il s'exprime de la langue, de la tête, des épaules et des jambes. Il a tout de même la lucidité de ne pas gesticuler. On aurait dit que quelqu'un lui aurait soufflé qu'une juge du siège a horreur d'assister à un inculpé ou un prévenu qui répond avec de larges gestes agaçants des mains, des bras et autres membres mobiles et modulables à souhait. La présidente de la section correctionnelle du tribunal de Boufarik se comporte en vieux briscard de la justice en le laissant tout dire en attendant des regrets sur le délit commis en état d'énervement. L'inculpé lui fera plaisir tout en se tirant d'affaire car le demi-sourire de Djamila Benkhettou, la jolie procureure, balancé dans sa direction depuis le siège du ministère public, voulait signifier: «Voilà, Si Saïd. Vous venez de cracher vos regrets; la présidente n'est pas une ingrate. Elle saura vous rendre la liberté que vous êtes venu chercher.» Et comme si Aït Sidhoum, la jeune juge du siège met en examen le dossier avant de condamner Saïd L. mais en accordant le sursis, considérant que l'auteur de destruction d'autrui avait appris la leçon.