Assister à une rixe dans la rue n'a rien d'enrichissant. Mais au tribunal ? Il y a dans les salles d'audience le syndrome des malfaiteurs, mais aussi des parquetiers et des juges du siège.
Maître Abdenour Aït Boudjemâa, l'avocat de Moussa L., s'est frayé un passage à la barre pour soutenir le détenu, un délinquant primaire, inculpé de vol, alors que le second n'en a pas. La juge Boudemagh demande au deuxième détenu s'il désire être assisté d'un conseil. Le «gosse» refuse et demande à être jugé sur-le-champ. «Je n'ai rien à me reprocher», lance-t-il, sûr de ses propos, et même de son avenir proche. Le client de maître Aït Boudjemâa est le premier à être interrogé sur le méfait. Il déclare d'emblée qu'il avait agi seul lors du vol du matériel agricole. «Vous vous connaissez, inculpés ?», demande le président. Moussa H. dit : «Oui, mais il n'était pas avec moi.» Kamel L., le second détenu, dit pour sa part qu'il ne le connaissait pas «profondément». «Il est venu me demander de lui prêter une brouette pour soulever le moteur volé. J'ignorais qu'il y a eu un délit de vol», explique ce même Kamel L. qui se veut convaincant. C'est pourquoi il ne panique pas.La victime, Madani A., cinquante ans, déclare qu'on l'avait averti que son matériel venait d'être récupéré. Puis il donne un scoop : «Monsieur le président, c'est une vieille connaissance. En 2004, il m'a déjà volé et je lui avais pardonné.» Le témoin du dossier prête serment et affirme qu'au lever du jour, il avait découvert le méfait. Il a déposé plainte et c'est tout. La représentante du ministère public, Djamila Benkhettou, requiert une peine de prison ferme, non sans avoir grimacé trois minutes auparavant lorsque la victime avait évoqué le pardon, l'indulgence du tribunal entre autres. Généralement, la loi protège la victime et son statut est inattaquable. Or certains parquetiers prennent la résolution de dire «leur» mot de désapprobation et regrettent que la société ne sache pas le mal qu'elle se fait en pardonnant à certains délinquants. Et cette réflexion est restée «mort-née» au plus profond des tripes de Benkhettou, la procureure. Débutant la plaidoirie sur une note basse, maître Aït Boudjemâa essaie de tirer la couverture vers la provocation. «Il y a cette maxime qui affirme que l'occasion fait le larron», dit le défenseur qui prie le tribunal de prendre en considération la date de naissance de l'inculpé : moins de vingt ans, la proximité du lieu du méfait. «C'est pourquoi la détention, l'incarcération, le remplissage du casier ne pourront rien faire. La défense demande de larges circonstances atténuantes», le tout balancé avec un large sourire malgré la douleur récente de la perte de sa grand-mère, la mère du martyr «Moh Boufarik». Le verdict sera connu en fin d'audience avec ceci de particulier : c'est que Madame Boudemagh, la présidente de la section correctionnelle, avait saisi au vol le dernier mot du second prévenu : «Je demande à la justice de me pardonner. Je suis donc coupable.» Terrifiant ! Ah ! ces aveux non soutirés, surtout des aveux émanant des «adeptes» de l'article 350 du code pénal, nous nommons le vol, ce délit combattu sans état d'âme par les magistrats dont certains – comme certains avocats – ont été victimes. C'est pourquoi la peine de prison ferme infligée au récidiviste était amplement justifiée. Quant au prévenu qui avait repoussé l'offre du tribunal (constitution d'un défenseur), il s'en est tiré à bon compte, le juge ayant estimé qu'il ignorait que le moteur était le produit d'un méfait.