Le président élu égyptien, Mohamed Morsi, prête serment aujourd'hui devant la Haute Cour constitutionnelle Le président élu égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, était attendu hier en fin de journée sur la place Tahrir au Caire où il devait prendre la parole. C'est aujourd'hui, que Mohamed Morsi prêtera serment et sera officiellement investi pour entamer un mandat sous haute surveillance des militaires. Des milliers de personnes ont commencé à se rassembler dans la journée d'hier à la place Tahrir dans ce haut lieu de la révolte qui avait poussé au départ le président Hosni Moubarak en février 2011, resté depuis le site de très nombreuses manifestations politiques. «A bas le pouvoir militaire», «Maréchal, dégage» lançaient notamment les manifestants, en référence au Conseil suprême des forces armées (Csfa) du maréchal Hussein Tantaoui, qui dirige le pays depuis la chute de M.Moubarak et doit conserver de vastes pouvoirs après la prise de fonction de M.Morsi. Le président élu s'est rendu en milieu de journée à la grande institution sunnite d'Al Azhar pour la traditionnelle prière hebdomadaire, puis il devait aller sur la place Tahrir où un podium a été installé pour son allocution attendue en fin de journée ou en début de soirée. L'imam dirigeant la prière à Al Azhar, Mohamed Abdel Fadil al-Qawsi, a appelé à renier «toute discrimination entre individus, groupes ou communautés», dans un message implicitement adressé à M.Morsi. M.Qawsi, par ailleurs ministre des Biens religieux dans le gouvernement sortant, l'a également appelé à préserver le rôle d'Al Azhar, qui doit rester «l'institution qui unit les musulmans dans le monde et le refuge contre le terrorisme». Al Azhar, dont le chef est nommé par le pouvoir, et les Frères musulmans, qui sortent de décennies de semi-clandestinité, ont longtemps entretenu des relations de méfiance. M.Morsi, qui a battu le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmed Chafiq, lors de la première présidentielle après la révolte, doit prêter serment aujourd'hui devant la Haute cour constitutionnelle, selon un communiqué de la présidence. Il est le premier islamiste à accéder à la magistrature suprême en Egypte et le premier président égyptien à ne pas être issu de l'appareil militaire. Lors d'une rencontre avec les rédacteurs en chef de la presse égyptienne, dont se faisaient l'écho hier plusieurs quotidiens, il affirme qu'il n'y aura «pas d'islamisation des organes de l'Etat», cherchant à dissiper les craintes de nombreux Egyptiens de voir le pays aller vers un pouvoir de type islamique. A de multiples reprises, M.Morsi a rendu hommage aux «martyrs de la révolution» contre M.Moubarak et à leurs idéaux démocratiques, qui ont permis l'élection l'ayant porté à la tête de l'Etat. Il a commencé ces derniers jours à travailler à la formation d'un «gouvernement de coalition», destiné à donner des gages d'ouverture politique et élargir son assise politique face aux militaires. M.Morsi a laissé entendre que son futur Premier ministre pourrait être une personnalité «indépendante». Le Csfa s'était engagé à remettre le pouvoir d'ici le 30 juin à un nouveau chef de l'Etat librement élu. L'armée a toutefois récupéré le pouvoir législatif après la dissolution mi-juin de l'Assemblée, dominée par les islamistes, à la suite d'un jugement annulant le mode de scrutin. Cette disposition permet dans les faits aux généraux de garder un droit de veto sur toute législation nouvelle ou mesure budgétaire qui n'aurait pas leur agrément. L'armée se réserve également un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution, pierre angulaire du partage des pouvoirs dans l'avenir. Les partisans des Frères musulmans manifestent depuis plusieurs jours sans interruption place Tahrir pour protester contre les dispositions prises par l'armée, qui limitent les prérogatives du président. Ce conflit institutionnel s'est traduit ces derniers jours par une polémique entre le nouveau président et le pouvoir militaire sur la procédure de la prestation de serment. Selon les militaires, l'Assemblée ayant été dissoute, le président doit prêter serment devant la Haute Cour constitutionnelle, conformément à la «Déclaration constitutionnelle complémentaire» récemment adoptée par l'armée. Mais les Frères musulmans, qui ont dénoncé cette déclaration comme «un coup d'Etat», avaient réclamé que la prestation ait lieu devant l'Assemblée du peuple, qu'ils considèrent toujours comme légitime.