On assiste, depuis une vingtaine d'années, à l'émergence d'un nouveau pouvoir : les médias. Après la chute du duopole américano-soviétique, le monde a cédé au pouvoir de l'information. On informe plus pour mieux dominer. C'est la nouvelle formule consacrée par le new age. Devant nos yeux, se déroule la nouvelle carte du monde. Le nouvel ordre politique des hégémonies occidentales met les choses en place et le pouvoir des médias rend quasi utopiques les frontières interétatiques. La presse et la télévision, par le truchement de mises à jour d'affaires scabreuses, font et défont les gouvernements. La guerre, n'importe quelle guerre, ne peut être menée ou réussie sans l'apport d'une préparation stratégique conséquente de la part des médias. C'est dans ce contexte précis qu'intervient la mise en place d'une chaîne arabe, ANN, avec des couleurs algériennes à sa tête. Le challenge qui se pose n'est pas minime: il s'agit d'être non pas uniquement performant, mais aussi de devenir le leader des chaînes de télévision arabes. Les moyens financiers dégagés, l'apport humain consenti et les stratégies politiques tracées renseignent sur les visées de ANN, version Abdelmoumen Khelifa. Première chaîne arabe en information continue, Al-Jazira traverse, à tort ou à raison, une période de disgrâce, à la lumière des événements du 11 septembre et de ce qui s'en est suivi. Celle qui voulait être la CNN arabe a fait mieux que son modèle américain. De là est née son «excommunication». D'emblée, ANN, version Khalifa, a eu l'avantage d'être présente dans un circuit spécifique et sensible : l'information en continu. Là, au moins, les choses seront claires, et il s'agirait de supplanter la chaîne qatarie en matière d'information, de qualité de l'image, de rapidité dans le traitement de l'événementiel et d'orientation de la ligne éditoriale vers des perspectives claires, démocratiques et acceptables dans un moule mondial, qui rejette les «aspérités» politiques. En fait, la plupart des chaînes arabes se sont carrément coincées dans des choix éditoriaux réducteurs. Alternant les variétés, le divertissement et l'information légère et digeste, les dizaines de chaînes de télévision arabes n'ont jamais pu offrir l'alternative crédible aux «mastodontes» occidentaux de l'info, dans un contexte où le volet politique a totalement supplanté les autres domaines de la vie publique. Il y a un peu plus d'une vingtaine d'années, le spécialiste canadien de la communication, Herbert Marshall McLuhan, annonçait la fin de la «Galaxie Gutenberg» et de l'écrit. Sa prophétie ne s'est pas totalement réalisée, mais on assiste à l'hégémonie de l'image et la rapidité comptée à la minute près. La télévision performante et influente fait déjà partie prenante de la politique. Plus, elle devient carrément un outil, un moyen et une fin, c'est-à-dire qu'elle offre au public l'espace informatif, didactique et d'orientation. Trois credo qui font des médias forts, écrits ou télévisés, l'arme redoutable du XXIe siècle. ANN sera, bien sûr, attendue au tournant. Le moindre faux pas sera compté. Le challenge que Khalifa s'est imposé, à savoir être la première télévision arabe d'information en continu, permet de jauger l'ambition de cette chaîne.