Les 1103 délégués d'Ennahda devront se prononcer sur ses alliances politiques, alors qu'actuellement il est le principal parti d'une coalition avec deux formations de centre-gauche, le CPR et Ettakatol. Le mouvement islamiste au pouvoir en Tunisie, Ennahda, tient d'aujourd'hui à dimanche son premier congrès public dans le pays depuis 1988, un rassemblement clé, le parti devant achever sa mue et dégager sa stratégie sur fond de tensions politiques et religieuses. Le parti compte en faire un évènement d'ampleur, avec 25.000 à 30.000 participants à l'ouverture, un an et demi après la révolution qui renversa le président Ben Ali. Des invités de marque sont attendus comme Khaled Mechaal, président du bureau exécutif du mouvement islamiste palestinien Hamas et le président du Conseil national de transition libyen Moustapha Abdeljalil. Les 1103 délégués d'Ennahda devront eux se prononcer sur ses alliances politiques, alors qu'actuellement il est le principal parti d'une coalition avec deux formations de centre-gauche, le Congrès pour la république (CPR) et Ettakatol. Ils devront aussi concilier les différents courants, entre les modérés d'une part et les tenants d'une ligne idéologique plus radicale, même si le chef historique, Rached Ghannouchi, devrait conserver son poste. «Nous voulons prouver que, par la philosophie de l'alliance, nous pouvons parvenir à une convergence stratégique car la période transitoire peut durer entre 10 et 15 ans, l'objectif étant de jeter les bases d'une démocratie stable et irréversible», a expliqué cette semaine Riadh Chaïbi, un responsable d'Ennahda. Le Congrès traitera du programme politique du mouvement, de sa vision de la société et de la place qu'y occupera la religion. Dans ce contexte, il se penchera sur la question de la femme, de la famille, de l'art, des médias et du sport. Cette tâche n'est pas des moindres pour un parti qui, après deux décennies dans la clandestinité, découvre l'exercice du pouvoir et doit disposer d'une ligne claire en vue d'élections générales prévues pour mars 2013. «Quatre projets de motion (...) seront soumis au débat. Réservés aux militants, ces motions qui n'ont pas jusque-là été révélées au grand public constitueront sans doute le témoin significatif quant aux nouvelles orientations que prendra Ennahda», relevait lundi le journal tunisien en ligne Leaders. Le parti a cependant déjà annoncé au printemps renoncer à ce que la chari'â soit inscrite comme principale source d'inspiration de la Constitution en cours de rédaction par l'Assemblée nationale constituante (ANC), satisfaisant une revendication de ses partenaires au gouvernement. Si Ennahda domine la scène politique, les défis et crises sont nombreux. La dernière en date a opposé fin juin le gouvernement dirigé par l'islamiste Hamadi Jebali au président du pays Moncef Marzouki (CPR) après l'extradition, contre l'avis du chef de l'Etat, de l'ex-Premier ministre libyen, al-Baghdadi al-Mahmoudi. Par ailleurs, la Tunisie est secouée régulièrement par des conflits sociaux. Le chômage, un des grands facteurs de la révolution, est une question particulièrement délicate, l'économie peinant toujours à se relever. Enfin, Ennahda a eu du mal à clarifier sa ligne concernant la mouvance salafiste, une minorité qui a mené plusieurs opérations coup de poing. Mi-juin, ils se sont attaqués à une exposition artistique dans la banlieue de Tunis, certaines oeuvres étant, selon eux, insultantes pour l'islam. Le lendemain, des émeutes éclataient dans plusieurs régions et un couvre-feu nocturne pendant trois jours a dû être imposé. L'Etat tunisien avait condamné à la fois les violences et les atteintes au sacré. Enfin, les débats à l'ANC traînent en longueur, les élus ne parvenant pas à trouver un accord sur la nature du régime, Ennahda insistant sur un parlementarisme pur, alors que ses partenaires souhaitent laisser à la présidence d'importantes prérogatives.