Jean Asselmeyer Ces pieds-noirs, qui se sont mobilisés indéfectiblement, ont été convaincus de la nécessité impérative de passer à la lutte basée sur la langue des armes. Une petite image peut facilement faire le poids, notamment durant cette époque où l'image joue un grand rôle en faisant toute une opinion. Les témoignages vivants ne sont pas en reste surtout lorsque ces derniers sont poignants. C'est le cas du film documentaire intitulé «Ils ont rejoint le Front» réalisé par le cinéaste français Jean Asselmeyer. Le film enfonce et accable la France coloniale. L'oeuvre, dont le discours est basé sur la narration, retrace la vie des Algériens d'origine européenne, appelés pieds-noirs, qui ont pris position en faveur des humbles sans se soucier des représailles émanant de l'armée et de la police coloniales. Le film, qui a été projeté jeudi à la Cinémathèque d'Oran, entre dans le cadre de la célébration de la 50e année de l'Indépendance. Dans le film, des témoignages aussi bien vivants que poignants ont été apportés par les intervenants qui ne sont autres que des Français qui ont milité pour la cause algérienne. Ces pieds-noirs, qui se sont mobilisés indéfectiblement, ont été convaincus de la nécessité impérative du recours à une lutte basée sur le langage des armes. Le réalisateur, qui, lui aussi, ne regrette rien dans son engagement en réalisant un film cru, a donné, sans aucune censure, la parole à Pierre Chaulet, Félix Colozzi et Annie Steiner. Ces derniers, qui ont fait de la cause algérienne la leur, ont apporté des témoignages poignants sur les atrocités commises par l'armée coloniale. Annie Steiner se souviendra, tant qu'elle vit encore, de sa fervente jeunesse qu'elle a consacrée, avec détermination, au profit du peuple algérien dans sa révolution acharnée pour le recouvrement de sa souveraineté nationale. Expliquant son choix et son engagement, elle dira sans aucun regret que «j'ai toujours été du côté des humiliés». Puis, elle revient, tout en s'attardant, sur la misère et les atrocités qu'elle a subies des années durant son emprisonnement. En laissant Annie Steiner s'exprimer librement, le réalisateur a bien choisi de taper là où ça fait mal, l'oppression de la gent féminine par un pays qui prêche la liberté et l'égalité. Un autre, et pas des moindres qui a rejoint le Front. Il s'agit du syndicaliste Félix Colozzi qui n'a pas hésité à apporter son soutien à la cause algérienne. Félix Colozzi est né et a grandi à Belcourt, actuellement Belouizdad, quartier dans lequel il a eu à côtoyer de près des figures de proue de la Guerre d'Algérie. Roberto Muniz est ce syndicaliste qui a, quant à lui, commencé d'Algérie militer en faveur de la cause algérienne à partir de son pays natal, l'Argentine. Ajusteur de profession, il a rejoint le Maroc dans le seul but d'apporter sa touche dans la lutte des Algériens pour leur indépendance. Durant son séjour au Maroc, Roberto Muniz a joué un grand rôle dans la fabrication des armes et des munitions dans une fabrique clandestine qui produisait près de 10.000 mitraillettes et 100.000 chargeurs, des armes en vue d'approvisionner les maquis algériens. Le Pr Pierre Chaulet, lui, n'est pas allé par quatre chemins pour revendiquer son choix qu'il continue à défendre jusqu'à aujourd'hui. Ce n'est pas tout puisque les témoins d'une atrocité ont préféré poursuivre leurs vies dans un pays pour lequel ils ont contribué, sans le revendiquer, à son indépendance. Le film de Jean Asselmeyer a consacré tout un passage à de grands hommes révoltés, tout en se plaçant en tant que remparts, en contrecarrant les exactions quotidiennes commises par les sbires des sinistres Bigeard et Massu. Parmi ces derniers pour lesquels le réalisateur a rendu un vibrant hommage, on y trouve Fernand Iveton qui été guillotiné en février 1957 après qu'il ait déposé une bombe à l'usine de gaz, et l'aspirant Maillot, tué en juin 1956 dans une embuscade tendue par les supplétifs de l'armée française après avoir détourné et remis à l'Armée de Libération nationale un camion plein à craquer d'armes et de munitions de guerre.