Nabil Karoui Indésirables au Maroc, poursuivis en justice en Tunisie, les frères Karoui se présentent comme les rois de la publicité en Algérie. Comment ce publicitaire, venu de Tunisie avec rien, a pu s'imposer en Algérie sans difficulté depuis plus d'une dizaine d'années? Depuis son arrivée en Algérie, en 2002, il n'a cessé de profiter du marché publicitaire algérien vierge. Ayant commencé comme publicitaire pour le premier opérateur de téléphonie mobile privé en Algérie, Nabil Karoui a construit son image et sa fortune à travers l'Algérie. Pour arriver à ses fins, il n'hésite pas à utiliser la fibre nationaliste algérienne, pour gagner la confiance des responsables locaux et obtenir des avantages fiscaux et financiers pour son groupe. Après avoir travaillé pour le premier opérateur privé de téléphonie mobile et profité de sa générosité, l'agence Karoui bascule dans la concurrence au début des années 2004, chez le deuxième opérateur de téléphonie mobile en gérant aussi bien sa régie publicitaire que sa campagne médiatique. C'est grâce également à cet opérateur et à la Télévision algérienne qu'il produit son premier programme télé «Akher Kalima». Le produit est pourtant fabriqué et tourné en Tunisie, mais diffusé et rentabilisé en Algérie. Pour faire passer la pilule au DG de l'Entv de l'époque, il avait affirmé que l'Algérie ne dispose pas de studio pour tourner un tel programme. Pour gagner le maximum d'argent, l'agence Karoui n'hésite pas à faire des spots de longues durées. L'agence croule sous l'or et lance en 2003, Régie 7, agence spécialisée dans le grand affichage. Elle domine, à cette époque, tout le marché publicitaire algérien. Akher Kalima C'est grâce également à son spot avec la grande star du football et du Real Madrid, Zidane, que l'agence Karoui a réussi à se frayer un chemin parmi les publicitaires méditerranéens et s'offrir quelques marques prestigieuses. Ce spot a permis de consacrer les frères Karoui comme rois de la publicité du Maghreb. Conscients que l'argent existe réellement en Algérie, ils décidèrent de lancer un programme télé important en misant sur l'apport des SMS des trois opérateurs de téléphonie mobile algérien. C'est d'ailleurs grâce à la publicité algérienne et de certains services que ce dernier a réussi à lancer, en 2007, sa première télévision privée: Nessma. Une télévision qui échoua dès son lancement à la suite au fiasco de leur programme phare «Star Academy Maghreb». Les Karoui qui avaient perdu pied au Maroc (ils étaient publicitaires de Meditel, deuxième opérateur marocain de téléphonie mobile) et qui gardent quelques soutiens en Tunisie (ils géraient la publicité pour l'opérateur Tunisiana), comptaient sur le marché algérien pour faire marcher leur affaire, mais deux des trois opérateurs de téléphonie mobile n'ont pas adhéré au projet des Karoui. C'est ainsi qu'ils ont fait appel à deux importants bailleurs de fonds pour sauver leur affaire et relancer leur télévision, il s'agit de Tarek Ben Ammar et Silvio Berlusconi. Le projet Nessma est alors relancé et Nabil Karoui, le P-DG de la télévision, rêve de devenir le Berlusconi du Maghreb. Pour ce faire, il a besoin des deux marchés importants du Maghreb: l'Algérie et le Maroc. Pour gagner la sympathie des hauts responsables marocains, il n'hésite pas, en 2009, à critiquer, lors d'une réception à Casablanca, les Algériens, leur président et leurs responsables, dressant un tableau des plus négatifs sur la vie, le système et la société algérienne. Même attitude de l'un des actionnaires de Nessma, en 2010, Tarek Ben Ammar, qui n'a pas hésité à critiquer l'Algérie en plein sommet de la Copeam à Paris, indiquant que malgré la présence d'une presse écrite libre, l'Algérie verrouille son espace audiovisuel. L'actionnaire de Nessma n'a pas apprécié en fait que l'Algérie, qui a été un soutien indéfectible pour la Tunisie, ne lui ait pas accordé un agrément pour sa chaîne de télévision. Malgré les critiques visant l'Algérie, le marché marocain n'a pas ouvert son marché publicitaire pour Nessma. La télévision des Karoui n'est pas inscrite sur Marocmetrie, l'institut qui mesure l'audience de la télévision sur l'ensemble du territoire marocain, ce qui ne lui ouvre pas le droit à de la publicité au Maroc. Suite à quoi, l'agence Karoui jette son dévolu sur le marché algérien en essayant de décrocher le maximum d'annonceurs algériens. Pour ce faire, il fait du forcing et des appels du pied au pouvoir algérien afin de lui accorder l'agrément et lui permettre de faire du reportage librement en Algérie. Les Karoui ont eu alors l'idée d'organiser des émissions pour profiter de l'événement du 50e anniversaire de l'Indépendance. L'opération a séduit les responsables algériens qui accorderont à Nessma TV un agrément pour leur correspondant permanent. Ce document en poche, les Karoui mettent le paquet lors des élections législatives de mai 2012, en installant un plateau permanent à l'hôtel El Aurassi. Ce qu'aucune télévision algérienne ou étrangère n'a eu le droit de faire jusque-là. Nessma a alors fait défiler sur son plateau les principaux responsables algériens parmi eux le chef du FLN, Abdelaziz Belkhadem et le ministre de la Communication, Nacer Mehal. L'objectif des Karoui dans cette opération de séduction médiatique était de convaincre les autorités algériennes de créer un bureau permanent et surtout transférer les importantes sommes générées par la publicité algérienne en Tunisie. Nessma est certes riche en Algérie, mais survit difficilement en Tunisie et encore moins au Maroc. Dar El Ouazir Nessma a besoin des annonceurs algériens pour survivre et surtout éviter la fermeture définitive. C'est ainsi qu'elle ose se présenter comme une télévision algérienne et donner une conférence de presse dans un grand hôtel pour présenter son programme. Pour pouvoir revendiquer cette algérianité, Nessma est obligée de faire jouer quelques comédiens algériens dans des sitcoms totalement tunisiens, comme Dar El Ouazir. Les Karoui se sont également illustrés durant ce mois sacré de Ramadhan en essayant de casser l'opération de diffusion du feuilleton Omar sur l'Entv en diffusant des placards publicitaires dans la presse privée, annonçant le même programme. Nessma ne paie pas ces espaces, mais diffuse en contrepartie des publicités vulgarisant les journaux algériens sur sa chaîne. En revanche, Nessma profite de la publicité offerte par un opérateur de téléphonie mobile et celle d'un constructeur automobile installé en Algérie. Pour séduire davantage les responsables, elle n'hésite pas à incruster des politiques algériens comme le chef du FLN, Abdelaziz Belkhadem, dans le programme des Guignols de l'Info. Avec dix ans de présence sur le marché algérien, les frères Karoui, qui emploient plusieurs journalistes et animateurs comme conseillers artistiques et médiatiques et qui organisent souvent des visites au siège de Nessma pour la presse nationale, ont su contenir toute critique sur les activités et les méthodes pas cathodiques de leur groupe en Algérie.