«Les problèmes? On ne les résout guère. Les problèmes, il faut les vivre...» Leopold Staff Les Belges sont restés pendant plus d'une année sans gouvernement. Avec leur humour particulier, ils ont déclaré qu'ils ne s'étaient jamais portés aussi bien et que pourvu que ça dure! On ne peut pas en dire autant de la galère dans laquelle trime la chiourme. Même la présence de ministres au complet n'a pas influé sur le train qui ahane sur la côte du sous-développement. Vous me diriez alors, pourquoi je choisis ce moment précis où une grande partie des gens est en vacances tandis que l'autre fait semblant de travailler, tout en pensant à la chorba du soir, pour que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. C'est simple: c'est le sort du chroniqueur qui doit assurer, chaque jour que Dieu fait, un texte qui doit tenir debout. Et, Mon Dieu, dans la bouillabaisse où nous pédalons, les sujets ne manquent pas, bien que ce soit toujours les mêmes. Il faut tout juste avoir un minimum d'imagination pour trouver un sujet qui puisse attirer l'attention du lecteur et combler son attente. N'étant ni un reportage ni un récit de fiction ou anecdote amusante, la chronique se propose d'être, non pas une réflexion profonde (ce serait présomptueux!) mais une simple expression d'humeur passagère, un reflet instantané d'une impression qui peut être fugitive ou tenace. Le lecteur peut sourire, froncer les sourcils, se taper sur les cuisses ou froisser le journal d'un air rageur en se disant qu'il aurait mieux fait d'investir ses dix dinars ailleurs que dans la lecture de banalités ou généralités qui jonchent les mémoires de nos hommes politiques ou les journaux intimes des midinettes... La première qualité d'une chronique est de ne pas plaire à tout le monde. Elle ne doit, avant tout, pas laisser indifférent. Elle devra sans cesse interpeller tout le monde, du correcteur jusqu'au lecteur en passant par le censeur tapi dans un luxueux et confortable bureau climatisé où il passe le plus clair de son temps à faire des études de textes, à cocher les mots douteux, à suivre les chiures des mouches, les méandres d'une syntaxe mal maîtrisée et à produire des propos similaires à ceux d'une célèbre émission française, expression passée dans une célèbre publicité: «Celui-là, je l'aurai un jour! je l'aurai!». Tout cela pour illustrer le propos et l'ambiance dans laquelle vit le chroniqueur qui veut attirer l'attention sans s'attirer les foudres de toute une échelle d'intervenants qui pourrissent la vie du plumitif. Cela va du collègue qui vous jette un sarcasme, jusqu'au responsable qui vous convoque et, amicalement, la main sur l'épaule, vous dira: «J'aime bien ce que vous faites, mais évitez tel sujet, car vous ne le maîtrisez pas, et dans le doute, il vaut mieux s'abstenir.» C'est vrai, les sujets sont légion, mais ils sont sans cesse rabâchés par les collègues au point qu'on a toujours l'impression d'avoir lu cela quelque part. Mon ami Hassan qui est un nationaliste obtus citoyen, ne cesse de critiquer mon caractère de râleur. Il me reproche de n'être jamais content des réalisations effectuées à ce jour... Bien sûr que je suis content que l'Aadl existe pour résoudre l'insoluble problème du logement, mais dois-je pour autant me taire sur les délais jamais respectés, les promesses non tenues et toutes les situations anormales qui découlent de ce qui devait être une panacée. Il n'y a qu'à voir les émeutes du logement pour s'apercevoir que chaque immeuble construit et distribué fait plus de mécontents que de satisfaits. Dois-je me taire ou fermer les yeux sur les échos qui me parviennent du secteur de la santé? Que de ministres s'y sont succédé sans pour autant résoudre des problèmes qui perdurent. Que dire alors du coût de la vie, du problème de l'emploi ou de salaires? Par contre, je ne peux que constater l'amélioration de l'accueil des assurés sociaux dans les services de la Cnas en soulignant, bien sûr, que si les remboursements sont effectués illico, le taux de remboursement, lui, laisse à désirer surtout en ce qui concerne les honoraires des praticiens... Je ne peux parler que des sujets qui fâchent ou dérangent, quant aux choses qui vont bien, il y a assez de place pour ceux qui, depuis 50 ans, ne cessent de seriner que tout va bien.