Trois pointures du chaâbi ont rendu un hommage à la hauteur de la stature du maître. Kamel Ferdjellah, Abderrahamane Koubi et Kamel Bourdib, ont réussi à créer la communion à la salle Ibn-Khaldoun où ils ont commémoré vendredi le vingt-cinquième anniversaire de la mort du maître du chaabi, El Hadj Mohamed El-Anka. Grâce à leur maîtrise du chant et de la musique tels qu'enseignés par l'école El Anka, ils ont donné la preuve qu'un quart de siècle après, El Anka demeure vivant dans les coeurs de tous les amoureux de ce genre musical, et dans leur mémoire. Le premier à s'être produit sur scène, le styliste Kamel Ferdjellah s'est distingué par sa parfaite maîtrise du texte. Ayant été disciple du Cheikh, il a su refléter toute l'âme du Maître dont l'aura illuminait jusqu'aux moindres recoins de la salle. Quant à Abderrahmane Koubi, en vrai ténor, il a su imposer son style dès les premières notes. Avec un charisme certain, cet artiste au rare talent est parvenu à faire vibrer l'assistance d'où les youyous des femmes fusaient, rehaussant de magie une atmosphère déjà conquise par le charme d'une voix chaude et forte qu'accompagnent les rythmes d'un orchestre plus que jamais au diapason. Plus tard, ce fut le rôle de Kamel Bourdib qui, sur un ton décontracté, honora à son tour la mémoire du grand maître dont il reproduisit , à sa façon, sobre mais ô combien mélodieuse, quelques passages du riche répertoire de ce géant de la chanson châabie. Finalement le public a pu savourer en cette soirée des moments d'une rare volupté, depuis longtemps oubliés. Le mérite en revient à l'établissement Arts et Culture qui a voulu offrir, les soirées les plus variées qui soient. Ainsi, les organisateurs ont voulu faire de la salle Ibn Khaldoun un vrai port des mélodies chaâbies, au même titre que Nadi El -Ankaouia par ailleurs. Autant d'espaces qui prêtent encore leurs scènes à de prestigieux artistes où tous chantent celui qui a su mettre la mélodie au service du verbe d'une façon unique et exceptionnelle. Pour l'histoire, rappelons que Hadj M'Hamed El Anka a dû sa révélation à un certain Si Said Larbi un musicien de renom, jouant au sein de l'orchestre de Mustapha Nador. Le jeune M'Hamed obtenait le privilège d'assister aux fêtes animées par ce grand maître qu'il vénérait tant, notamment en le citant dans l'une de ses chansons: «Cheikh Nador houa s'bab fehmi» c'est ainsi que durant le mois de ramadan de l'année 1917, le cheikh remarque la passion du jeune M'Hamed et de son sens inné pour le rythme, et lui permit de tenir le tar (tambourin) au sein de son orchestre. A partir de là, ce fut Kahouidji, un demi-frère de Hadj M'Rizek qui le reçoit en qualité de musicien à plein temps au dans des cérémonies de henné, réservées généralement aux artistes débutants. Après le décès de cheikh Nador à l'aube du 19 mai 1926, il s'installa à Cherchell, d'où son épouse était originaire, El Anka prit le relais du cheikh dans l'animation des fêtes familiales. C'est en 1927 qu'il participa aux cours prodigués par le Cheikh Sid Ah Oulid Lakhal, enseignement qu'il poursuivit avec assiduité jusqu'en 1932. Mais 1928, fut une année charnière dans la carrière du cheikh, du fait qu'il rencontra le grand public. Les premiers disques qu'il enregistre chez Columbia et l'inauguration de la radio, vont le propulser sur le devant de la scène nationale et même internationale. Sa notoriété grandissait à la faveur des progrès du phonographe et de la radio. Ainsi naquit la légende El Anka qui a survécu à la mort de ce dernier en 1978, un 23 novembre. Tout le destin d'un grand, somme toute.