Des sujets qui fâchent, il y en a eu à profusion. Les années 90 n'ont pas été roses pour la région du Maghreb, tant des événements fâcheux se sont succédé soit pour isoler certains pays du Maghreb par rapport au reste du monde, soit pour faire des différents pays du Nord de l'Afrique des enclaves les unes par rapport aux autres, des enclaves se regardant en chiens de faïence. Des sujets qui fâchent, il y en a eu à profusion, à commencer par la donne terroriste et la spirale de la violence qui a fait de notre pays un théâtre d'assassinats et de génocides. Les consulats occidentaux étaient fermés et les compagnies d'aviation boycottaient sans le dire nos aéroports. Mais l'Algérie n'était pas seule dans l'oeil du cyclone: l'affaire Lockerbie qui mettait la Libye sous un embargo aérien des plus stricts, le dossier du Sahara occidental qui empoisonne les relations entre Alger et Rabat, le détournement de l'Airbus d'Air France en 1994 qui justifiait le boycott de notre espace aérien. D'autres clashs diplomatiques sont venus s'y ajouter ces dernières années, à l'exemple de l'Ilot du Persil qui a perturbé les bonnes relations entre le Maroc et l'Espagne, et puis il y a eu tout dernièrement, surgi on ne sait d'où, comme l'aigle de Barbara, et qui a créé un malaise diplomatique profond entre l'Algérie et le Maroc: une histoire de Flam (Front de libération de l'Algérie marocaine) qui revendique une partie du territoire algérien, avant que le Palais royal ne rappelle à l'ordre, par l'entremise du procureur du roi, les tenants de cette ligne belliciste. Depuis l'arrivée au pouvoir, à quelques mois d'intervalle, de M.Abdelaziz Bouteflika et du roi Mohammed VI, les relations entre l'Algérie et le Maroc ont connu des hauts et des bas, mais surtout des bas, malgré la présence du président algérien aux obsèques de feu Hassan II. Les observateurs avaient alors cru déceler une opportunité de dégel entre les deux capitales, surtout que les deux chefs d'Etat frais émoulus voulaient imprimer un nouveau style dans leur manière de gouverner. Malheureusement la montagne a accouché d'une souris, les sujets de discorde et les pesanteurs étant décidément plus forts que la volonté d'écrire une nouvelle page. Les attentats de Marrakech de 1994, qui avaient amené les autorités marocaines à accuser injustement les services algériens et à chasser des milliers d'Algériens, constituent un passif trop lourd et grèvent toute velléité de normalisation des relations diplomatiques, commerciales, humaines, etc. En fermant les frontières entre les deux pays, l'Algérie a eu une réaction normale, surtout que de nombreux intellectuels algériens avaient trouvé dans le royaume chérifien frère un refuge légitime. L'agenda diplomatique du mois de décembre place les relations intermaghrébines sous de meilleurs auspices. Alors que le ministre des Affaires étrangères, M.Abdelaziz Belkhadem annonçait, avant-hier, un sommet des chefs d'Etat de l'UMA avant la fin du mois prochain regroupant, certainement à Alger, les chefs d'Etat de Tunisie, de Libye, de Mauritanie et du Maroc, on apprenait également que le sommet des 5+5 aura lieu les 4 et 5 décembre prochain à Tunis. Cette instance ne s'est pas réunie effectivement depuis trop longtemps, remettant aux calendes grecques la construction d'un espace méditerranéen viable et performant. Le forum des 5+5 regroupe pour sa part, outre les pays de l'UMA, cinq pays de la rive nord de la Méditerranée, et qui sont la France, l'Espagne, le Portugal, Malte et l'Italie. Le fait que le président Abdelaziz Bouteflika et le roi Mohammed VI s'assoient à la même table dans le cadre d'un sommet euro-maghrébin est en soi de bon augure et promet une bonne suite au processus de l'édification maghrébine. Certes, les deux chefs d'Etat s'étaient rencontrés dernièrement à New York, mais l'entrevue revêtait un caractère beaucoup plus protocolaire. Effet narcotique du ramadan ou résultante de la brouille entre le président et les organes de presse, on a eu l'impression que la scène diplomatique était bouchée, et puis soudain, le chassé croisé en perspective pour le mois de décembre semble s'éclaircir. Tous les indicateurs sont donc au vert pour une reprise diplomatique sur les chapeaux de roue. Cela dit, nos partenaires traditionnels, que ce soit l'Union européenne ou l'Amérique elle-même, n'ont pas cessé d'appeler à un renforcement des liens entre les différents pays du Maghreb et la construction d'un espace économique maghrébin plus intégré. Cela a été le cas du président de la commission européenne au mois de novembre 200, lors de sa visite à Alger, cela a été le cas du président de la République française Jacques Chirac, également à Alger. Mais cela a été aussi le cas des responsables américains, dont le sous-secrétaire William Burns. Nos partenaires tiennent à voir se construire aux portes sud de l'Europe un espace économique stable, sûr, d'autant plus qu'il représente un marché de plus de 100 millions d'habitants et qu'il recèle des richesses et des ressources importantes, comme le pétrole et le phosphate, tout en constituant un lieu de passage presque obligé vers l'Afrique sub-saharienne ou vers le Proche-Orient. D'où l'importance de la visite du secrétaire d'Etat américain Colin Powell le 3 décembre prochain à Alger, dans le cadre d'une tournée qui le mènera aussi à Rabat et à Tunis.