Dirigeants africains et représentants de la communauté internationale se sont recueillis hier à Addis-Abeba devant la dépouille de Meles Zenawi, qualifié de «héros» de son continent, à la veille des funérailles de l'ancien Premier ministre «La mort de Meles Zenawi est une grande perte non seulement pour l'Ethiopie mais pour le continent africain, car mon ami Meles était un homme de vision, un partisan du panafricanisme», a témoigné le président béninois, Thomas Boni Yayi, président en exercice de l'Union africaine. «Il faut se souvenir de lui comme d'un héros pour tout le travail remarquable qu'il a accompli», a renchéri devant la presse le vice-président du Malawi, Khumbo Kachali. Chefs d'Etat, ministres et diplomates gravissaient les uns après les autres les marches du Palais national pour s'incliner devant le cercueil de M.Meles, devant sa famille tout de noir vêtue, sur une pelouse jonchée de roses blanches. Des photographies géantes du dirigeant décédé scandent le chemin jusqu'à sa dépouille. Les présidents du Soudan du Sud, Salva Kiir, de Djibouti, Ismail Omar Guelleh, de Somalie, Sharif Cheikh Ahmed, entre autres, se sont inclinés devant la dépouille de M.Meles, décédé dans un hôpital bruxellois le 20 août dernier à 57 ans. «Il était un digne combattant de la liberté, pour l'Ethiopie mais aussi pour l'Afrique», a estimé le chef d'Etat rwandais Paul Kagame. Les partisans de M.Meles mettent en avant son implication dans le développement économique en Ethiopie, ses efforts pour rétablir un peu de stabilité dans la Corne de l'Afrique et pour faire jouer à l'Afrique un rôle de pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour les organisations de défense des droits de l'Homme, en revanche, Meles laisse un héritage ultra-répressif à son pays. Son successeur désigné est le vice Premier ministre sortant, Hailemariam Desalegn, 47 ans, un politicien peu connu dont la date de l'investiture devant le Parlement n'a pas encore été annoncée. A l'issue des premières funérailles nationales organisées pour un dirigeant éthiopien depuis plus de 80 ans, la dépouille de Meles Zenawi - de religion catholique orthodoxe, mais non pratiquant et ancien marxiste - reposera aux côtés de celle de l'empereur Hailé Sélassié, dans l'église de la Trinité. Parmi les chefs d'Etat attendus aujourd'hui figure Omar El Bechir, ce qui posera un petit casse-tête diplomatique car le président soudanais est sous le coup de mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale pour sa responsabilité présumée dans les massacres au Darfour (ouest du Soudan). Non signataire du Traité de Rome fondant la CPI, l'Ethiopie n'a pas l'obligation d'arrêter M. Bechir, déjà venu à de nombreuses reprises à Addis-Abeba, siège de l'Union africaine. «C'est plus important de faire la paix au Soudan que de se précipiter pour arrêter (Omar El Bechir)», a encore déclaré le mois dernier la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, nouvellement élue à la tête de la Commission de l'Union africaine, épousant ainsi la ligne officielle de l'organisation continentale. Mais les représentants occidentaux s'efforceront aujourd'hui de garder leurs distances avec M.Bechir. La France, par exemple, a envoyé à Addis-Abeba la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger et de la Francophonie, Yamina Benguigui, mais «sa présence ne change pas la position de la France concernant la lutte contre l'impunité» et Mme Benguigui n'aura aucun contact avec le président soudanais, a-t-on souligné au Quai d'Orsay.