Le lieutenant Chergui Mohand Oulhocine vient de nous quitter; il avait 89 ans. Né en 1923 au village Izeghrane dans les Mezzaia(commune de Béjaïa), il rejoint le maquis au début 1956. Il eut un parcours exceptionnel dans les maquis jusqu'à la fin de la guerre en 1962. Affecté à la section de choc de Titouh Salem, il participa à de nombreuses actions militaires au cours desquelles il récupéra plusieurs armes de guerre. Vers 1957, il fut désigné par le colonel Amirouche à la tête d'une compagnie d'acheminement d'armes qui devait rallier la Tunisie. Début 1958, il est de retour avec tous ses hommes, mais cette fois-ci avec le double des armes de son effectif. En effet, chacun d'eux avait ramené une arme pour lui et une autre pour la Wilaya, avec en sus 400 cartouches. Une fois sa mission accomplie, il est affecté en qualité d'adjoint au lieutenant Zioual Allaoua, alors chef de la compagnie de la région (323). Il prouva toutes ses capacités et son courage au sein de cette unité d'élite, notamment dans l'embuscade d'Allaghane où une trentaine d'armes de guerre furent récupérées sur des goumiers qui étaient de passage dans un convoi militaire. Nommé chef du secteur politico-militaire dans le douar Aghbala (Takerbouzt), il mena sa mission avec beaucoup de compétence et de sérieux. D'ailleurs, vers septembre 1958, le capitaine Bleu du poste de Takerbouzt organisa une opération militaire contre son secteur. L'adjudant Chergui Mohand Oulhocine se retrouva seul contre un millier de soldats, sinon plus. Armé de son fusil Mauser «allemand» avec 500 cartouches, il leur fit fasse pendant toute la journée. Déjouant tous les plans des officiers français, il résista à tous leurs assauts et leur a causé des pertes importantes. En effet, les civils arrêtés dénombrèrent 45 soldats morts qui furent transportés sur des hélicoptères. C'est dire qu'à lui seul, il leur causa autant de pertes qu'une compagnie de l'ALN. Il prouva alors tout son courage, ses capacités dans le combat et son esprit de sacrifice. La nouvelle de cette action héroïque fut transportée et commentée à travers tous les villages: «L'adjudant Chergui Mohand Oulhocine, à lui seul avait affronté un millier de soldats et leur a causé des pertes importantes!» Le comité de la Wilaya III lui adressa une lettre de félicitations et une promotion au grade d'aspirant de l'ALN. Toujours imperturbable, modeste et réservé, il en tira à peine une certaine fierté. Et lorsqu'on le questionnait pour savoir plus sur cette bataille, il balbutiera quelques mots en guise de réponse; la gloire, les honneurs, il n'en n'était pas sensible. Pour lui, il s'agit tout simplement d'un devoir, comme le font tous les moudjahidine quotidiennement. Il continua son combat dans d'autres fonctions jusqu'à la fin de la guerre. Il avait alors le grade de lieutenant. Aujourd'hui où l'on célèbre toujours le Cinquantenaire de l'Indépendance, Chergui Mohand Oulhocine nous a quittés. Accompagné par d'anciens compagnons d'armes, de ses amis et tous ceux qui lui portèrent estime et admiration, le corps du défunt fut transporté jusqu'au cimetière de Cheraga où il reposera désormais. Il ira rejoindre sans aucun doute, ses compagnons d'armes tombés dans les maquis.