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Une vie, un idéal et un combat
MOHAND OU LHADJ
Publié dans L'Expression le 02 - 12 - 2004

Dès les débuts, il s'engage corps et âme dans l'épopée libératrice. Mohand monte au maquis et avec lui trois de ses enfants
Le 3 juillet 1962 à Sidi Ferruch, sur les lieux mêmes du premier débarquement des troupes d'occupation, le vieux colonel Mohand Ou Lhadj de la Wilaya III et en présence de ses pairs, hisse les couleurs nationales de l'Algérie libre et indépendante.
De Sidi Ferruch aux maquis de Kabylie, le temps s'est comme arrêté et a, sans aucun doute, permis au vieux, comme l'appellent ses hommes, de se remémorer nombre de figures connues ou inconnues, qui ont fait à la patrie le plus beau des dons!
Mohand Ou Lhadj ou le vieux, est un homme paisible, bon père de famille, selon son fils Makhlouf qui servit, lui aussi, sous les ordres du père qui a voué sa vie et son existence au service de la patrie comme officier au PC de la Wilaya III.
Il était le fils unique d'un père forgeron du village de Bouzeguène, situé à quelque 70 km à l'est du chef-lieu de wilaya : Tizi Ouzou. Mohand Ou Lhadj, de son vrai nom Akli Mokrane, est né dans le village de Bouzeguène en 1911, fréquente l'école primaire de Bouzeguène, subit avec succès l'examen du certificat d'études primaires élémentaires à Aïn El Hammam avant de rejoindre les rangs des adultes. Il aida son père dans la forge familiale avant de s'essayer à l'émigration. En France, où il se rendit en 1936, il est au contact des travailleurs émigrés et là, il se frotta à culture nationaliste.
Le jeune Mohand ne tarda cependant pas à rentrer au pays vers 1939 pour continuer dans ce qui a toujours été son métier : celui de la forge. C'est là qu'il apprend très tôt à rendre docile le fer et c'est là aussi qu'il apprit à rendre dociles les hommes au contact desquels il devient un érudit en sciences sociales.
Le jeune Mohand est un être perspicace et adore la compagnie des gens cultivés. Il n'a jamais été aussi heureux que lorsque les services du caïd de la région lui annoncent en tant que fils unique qu'il est dispensé du Service militaire.
Ce n'est pas que Mohand soit couard, loin de là et la suite révélera au monde, un homme de courage pétri dans l'airain, mais faire la guerre pour les autres et de surcroît pour l'occupant, n'est guère une idée qui l'enchante!
L´adjoint de Amirouche
Militant du Mtld, il est très tôt acquis à la thèse de l'indépendance nationale. Aussi c'est avec une sorte de détermination que seuls les hommes de cette trempe possèdent, qu'il accueille la proclamation du 1er Novembre 1954. Dès les débuts, il s'engage corps et âme dans l'épopée libératrice. Il commence par vendre tous ses biens et c'est à la révolution qu'il destina cet argent auquel s'ajoute une somme de sept millions de centimes de ses propres économies, une somme mirobolante pour un Algérien à cette époque. Mohand monte au maquis et avec lui trois de ses enfants, dont Akli qui, aujourd'hui, parle en tant que sous-lieutenant de l'ALN de ce père qui était un grand et bon chef pour ses hommes. Engagés dans la lutte comme l'on s'engage dans un sacerdoce, Mohand gravit très vite les échelons et c'est en tant que commandant qu'on le retrouve. Le colonel Amirouche remarque Mohand et en fit son adjoint politique direct, dès 1957.
A cette étape du récit, le fils du colonel Mohand Ou Lhadj se tait comme pour dire: «Les autres sont là et doivent aussi témoigner!». C'est l'adjudant Si Amar Azwaw qui prend la parole. Il était membre du secrétariat de la wilaya III. L'un des plus jeunes moudjahid de l'époque. Si Amar évoque avec gravité son ancien colonel auquel il voue aujourd'hui plus qu'hier, un certain culte où se mêlent le respect et l'amour portés à un homme d'exception. Il évoque combien l'«Amghar » était entouré d'affection par ses hommes, auxquels le colonel voue un amour quasi paternel. Si Amar parle des capacités d'action et de mobilisation de Mohand Ou Lhadj, c'est en 1958 qu'il laissa paraître ses qualités de chef quand il assura l'intérim d'Amirouche, alors chef de la wilaya en mission dans la Wilaya II. Selon Si Amar, «l'ennemi a cherché à éliminer le vieux en usant du même subterfuge que celui utilisé contre Ben Boulaïd : une batterie de postes radios émetteur piégée a sauté, entraînant la mort de trois opérateurs et blessant gravement Mohand Ou Lhadj et le lieutenant Si Abdelhafid Amokrane». A peine remis de ses blessures, Amghar s'est vu confier par Amirouche le commandement intérimaire de la wilaya III, le colonel Amirouche devant rejoindre Tunis en compagnie de Si Lhaouès en mission commandée. Le colonel Amirouche et son camarade tombent au champ d'honneur sur la route vers Tunis au djebel Tsameur, près de Bousaâda. Le vieux continua à assumer les fonctions jusqu'à sa nomination au grade de colonel, commandant la wilaya III.
La tâche de Mohand est des plus ardues! Alors, la guerre de Libération nationale était pratiquement à la croisée des chemins! D'abord, il a fallu faire face à la réalité avec la mort d'Amirouche. Galvaniser les troupes et rendre confiance aux populations martyrisées quotidiennement par l'action psychologique de l'ennemi. La wilaya III était également exsangue. Les problèmes de relation avec l'extérieur sont des plus difficiles. La wilaya devait quasiment vivre en autarcie au plan de l'armement. L'ennemi comprit l'importance stratégique de la wilaya III, entreprit de la détruire. Les complots et autres ne manquèrent pas, le colonel sut déjouer tout cela en gardant une certaine mobilité et surtout en faisant tout son possible pour que le peuple soit épargné. C'est en 1959 que les choses semblent se corser avec l'opération Jumelles dirigée par le général Challe, installé au PC Artois, sur le col du Chelatta. Le colonel réagit vite et bien devant la situation. Il désagrège les groupes importants pour ne laisser place qu'aux groupes commandos, plus légers et donc plus maniables et à même de porter des coups à l'ennemi. Avec ses 60.000 hommes en action derrière plus de 40 généraux, Challe pensait pouvoir en finir avec l'ALN, et, notamment les Wilayas III et IV. De même que des unités dites d'autodéfense sont implantées par Challe dans les hameaux et les villages. Ces forces sont censées protéger les villages des troupes de l'ALN. Le colonel Mohand répond par la ruse, il fait enrôler dans ces groupes d'autodéfense des hommes sûrs et des moussebelines de l'Ocfln. La fluidité des contacts devient ensuite certaine entre les villages et l'ALN, les femmes sont également sollicitées pour être des agents de liaison, de renseignements et de ravitaillement. Les moussebelines sont enrôlés dans les groupes commandos de l'ALN. Mohand Ou Lhadj vient de signer ce faisant, un coup de maître! L'ALN revigorée par l'apport du sang nouveau et par la toile tissée, sera réellement comme un poisson dans l'eau! Si Mohand Ou Lhadj régla de même avec une dextérité et un savoir-faire politiques certains, la fameuse affaire dite des officiers libres guidée par le capitaine Si Alloua. Il saura gérer ce conflit comme un père de famille, d'où son éclatante réussite. Entre-temps, survient la «paix des braves», encore un coup des services français contre l'ALN. Là aussi, le vieux fit merveille. Mohand Ou Lhadj reçut personnellement et avec déférence le colonel Si Salah qui avait rencontré De Gaulle à l'Elysée. Pour le secrétaire de la wilaya III, Si Amar Azwaw et pour le sous-lieutenant Akli, le colonel Si Salah n'a jamais pensé trahir, loin de là ! Mohand Ou Lhadj conseilla à son camarade et ami de ne pas perdre patience et de continuer la lutte. Si Salah se révoltait contre l'extérieur!
Le baroud d´honneur
L'indépendance tant rêvée approchait et Mohand Ou Lhadj voyait sa chère Wilaya III relever, difficilement peut-être mais noblement, la tête. Les péripéties des événements de l'été 1962 n'ont pas laissé le colonel de marbre. Il se rangea derrière la légalité en soutenant le Gpra. Contre le coup de force du groupe d'Oujda. En 1962, il devint responsable de la 7e Région militaire en gardant quasi intact l'encadrement de la Wilaya III.
En 1963, il décide de rejoindre les forces d'Aït Ahmed contre la dictature qui s'installe. Mohand Ou Lhadj est cependant un patriote sincère, et intrépide devant la guerre des sables et le «hagrouna» de Ben Bella, il décide de rejoindre les frontières ouest avec ses troupes, sans autre calcul politique. Après le coup d'Etat du 19 juin, il est nommé pour quelque temps au secrétariat exécutif du FLN.
Mais c'était, et le vieil homme le savait, le baroud d'honneur. Mohand Ou Lhadj décède le 2 décembre 1972 à l'âge de 61 ans. Il sera enterré selon son voeu à Bouzeguène, dans son village natal aux côtés des siens. Connu et respecté de tous, Amghar a tout donné pour la patrie!
Nous remercions vivement pour leur collaboration MM. Azwaw Si Amar, ancien membre du secrétariat de la Wilaya III et le sous-lieutenant Akli Makhlouf, fils du colonel Mohand qui a aussi servi au PC de la Wilaya III.


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