Une fois de plus, les amateurs de poésie et de belle musique n'ont pas été déçus. Il y avait foule jeudi à la salle Ibn Zeydoun de Riad El-Feth. Des mélomanes venus de différents horizons ont gravi avec enthousiasme la montée qui menait à El-Mouradia pour assister à un spectacle haut en couleurs. Une assistance nombreuse, constituée d'étudiants, de couples et de pères de famille accompagnés de leurs enfants, avaient fait le déplacement pour passer une après-midi agréable dans une ambiance festive. Une fois de plus, les amateurs de poésie et de belle musique n'ont pas été déçus, tant le travail de l'artiste est soigné. L'orchestre dirigé par M. Saou était à la hauteur des compositions de Tayeb Brahim. On sentait la touche de professionnels. Il y a des musiques sur lesquelles on danse, et celles sur lesquelles on médite. Tayeb Brahim lui a eu l'heur de faire un mixage entre les deux. Ses musiques, autant que ses paroles, invitent plutôt à la réflexion et à la méditation. C'est toujours au second degré qu'il faut les prendre, vu qu'elles s'adressent autant au coeur qu'à l'esprit. Mais pour la circonstance, aidé par les percussionnistes faisant partie de l'orchestre, il a eu aussi l'idée d'ajouter un petit grain de sel, c'est-à-dire d'y mettre du rythme, poussant l'assistance à taper des mains et même à pousser des youyous. Bien sûr, le répertoire de Brahim Tayeb était connu de ceux qui sont venus. Mais cet artiste, qui s'est refusé à faire dans ce qu'on appelle le commercial, touchait un public select et trié sur le volet. Ses chansons, très nostalgiques, se savouraient presque en catimini. Dans le silence intime et je dirais, en sourdine. Or ne voilà-t-il pas qu'avec son dernier album, Intas (dites-lui), Tayeb Brahim a décidé de casser la baraque. Conseillé par un bon manager, un plan de marketing a été élaboré, pour des tournées à l'intérieur du pays. La musique de cette très belle chanson, qui dure 40 minutes, et c'est déjà un exploit que de la chanter d'une traite. Dorénavant, il faut compter avec Tayeb Brahim, un chanteur qui a du souffle. C'était une pure merveille de voir avec quelle maestria il communiquait avec les éléments de l'orchestre, sans presque bouger un cil. Il y avait une telle osmose entre l'artiste et les musiciens qui l'accompagnaient, qu'on ne sentait aucune fausse note, aucune anicroche, alors même, qu'apparemment les conditions n'ont pas permis des répétitions plus poussées. Ibn Zeydoun, le maître de la poésie andalouse, n'aurait pas désavoué son digne successeur qu'est Brahim Tayeb. Ce dernier, on le sait, aura mis du temps à percer, mais les bonnes choses se font lentement, n'est-ce pas? L'essentiel est qu'aujourd'hui, bien encadré par son équipe de musiciens et par son manager Yazid, notre star est sur la bonne voie. Tous ceux qui ont le succès facile, en bâtissant leur carrière sur des mélodies légères et vite oubliées, ne pourront pas rivaliser avec ce chanteur au long cours qu'est Brahim Tayeb. C'est vraiment quelqu'un qui aura pris le temps de mûrir son art et de mieux maîtriser sa matière et ses matériaux : la poésie et la musique. Très à l'aise avec la poésie occidentale, dont il maîtrise les fondements, il reste ancré dans le terroir et les différents volets qui le constituent, que ce soit le fonds kabyle, le chaâbi, le genre oriental. Ses goûts mêmes, qui sont éclectiques, allant de Barbara à Mohamed Abdelwahab, en passant par El Anka. Et surtout, il nous réconcilie avec la belle musique et la belle orchestration.