«L'amitié est dans les yeux et la trahison est dans le pied» Proverbe algérien Après avoir remporté plusieurs Oscars en 2010, dont celui de meilleur réalisatrice devant son ex-mari James Cameron, qui a présenté Avatar, Kathryn Bigelow compte rééditer l'exploit avec Zero Dark Thirty, le nouveau long métrage sur Ben Laden, en présentant le film pour la prochaine cérémonie des Oscars. Bigelow travaillait dessus depuis des années, avant même le succès de Démineurs et toutes les conditions ont été réunies pour réussir son film. Elle a conçu un traitement minutieux, aux lieux, aux tribulations géographiques. Zero Dark Thirty prend le soin de faire référence aux différentes administrations (Clinton, Bush Jr, Obama), de même qu'à la coopération entre le Département de la Défense et la CIA. Comme toujours, Bigelow travaille avec son scénariste favori, en l'occurrence Mark Boal, celui de Démineurs. Avant même sa sortie en salles (il est prévu le 23 janvier 2013 en France) Zero Dark Thirty suscite la polémique. Pendant le tournage à Chandigarh, des Indiens islamistes ont attaqué le plateau. Aux Etats-Unis, le sénateur républicain Peter T. King a accusé Bigelow et Boal d'avoir eu accès aux documents confidentiels de la CIA. Enfin, les républicains ont accusé la réalisatrice de faire avec le film la promotion de Barack Obama, ce qui a poussé la présidence américaine à repousser la sortie du film après l'élection présidentielle. Dans le film, Jessica Chastain a le rôle d'interprète d' une analyste de la CIA ayant joué un rôle majeur dans la traque et la mort du chef d'Al Qaîda. C'est elle qui a réussi à convaincre sa tutelle que Ben Laden s'était réfugié au Pakistan. A l'origine le film s'intitulait Kill Ben Laden Bigelow a changé le titre en Zero Dark Thirty, pour éviter toute référence au célèbre terroriste. Zero Dark Thirty, film purgatif, majeur et essentiel pour les Etats-Unis, ne prétend pas reprendre l'histoire. Bien au contraire il mise sur le spectateur, notamment dans la dernière demi-heure angoissante de l'attaque, et le laisser libre de choisir l'option qu'il souhaite sur ce qu'il voit, ou sur ce qu'il croit voir. Surtout, et c'est en cela qu'au-delà de ce que l'on en pense, il fait date, le film ose questionner la notion d'héroïsme et montrer ce que des hommes, par patriotisme, par conviction, par sacrifice, par embrigadement ou par honneur, sont capables de faire au nom des Etats-Unis. Pas nécessairement pour le meilleur. La vision du film reste la ghettoïsation et la féminisation de l'héroïne, qui a sacrifié sa vie sentimentale et coupé le lien avec ses amis pour poursuivre son job et éliminer Ben Laden. L'ambivalence réside finalement dans cette vision de femme évoluant dans un univers masculin très fermé. Loin d'être une oeuvre politique, le film est avant tout une oeuvre cinématographique sur l'effort humain et la détermination des êtres. [email protected]