La principale coalition de l'opposition égyptienne se réunissait hier pour déterminer sa position après l'annulation par le président Morsi d'un décret controversé, une mesure que des opposants ont déjà qualifiée de «manoeuvre politique». Le décret par lequel le chef de l'Etat s'était attribué des pouvoirs exceptionnels a divisé le pays et provoqué une fronde au sein de l'opposition et de la magistrature. Des violences entre opposants et partisans du président ont fait sept morts cette semaine. Le Front du salut national (FSN), présidé par le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, va «discuter de sa position après l'annonce d'hier (samedi) soir», a dit Emad Abou Ghazi, secrétaire général du parti Al-Dostour de M. El Baradei, membre du FSN. Cette réunion devait avoir lieu en milieu de journée, selon Essam Chiha du parti al-Wafd. Le président Morsi a fait une concession à l'opposition samedi soir en retirant son décret, par lequel il avait mis ses pouvoirs au-dessus de tout recours en justice, pour sortir de la plus grave crise depuis son élection en juin. Mais il a maintenu le référendum du 15 décembre sur un projet de Constitution très contesté, le repousser étant juridiquement impossible. Ces décisions ont été annoncées à l'issue d'une rencontre entre le chef de l'Etat et des personnalités politiques et boycottée par le Front du salut national. L'un des membres du FSN, a déjà annoncé qu'il rejetait la décision de M.Morsi, et l'a qualifiée de «manoeuvre politique visant à tromper le peuple». Le mouvement du 6 Avril, une organisation de jeunes très active lors de la révolte qui a renversé Hosni Moubarak l'an dernier, a appelé «à poursuivre les manifestations (...) pour arrêter le référendum sur la Constitution des Frères musulmans», mouvement dont le président est issu. M.El Baradei a de son côté dit dans la nuit sur son compte Twitter qu' «une Constitution qui anéantit nos droits et nos libertés est une Constitution que nous ferons tomber». Le Front, qui rassemble des groupes et partis d'orientation libérale et de gauche, avait fait du retrait du décret et de l'annulation du référendum ses principales revendications. Les Frères musulmans, ainsi que d'autres formations islamistes ont catégoriquement refusé tout report du vote. Pour l'opposition, le projet de Constitution élaboré par une commission dominée par les islamistes ouvre la voie à une islamisation accrue de la législation et manque de garanties pour les libertés, en particulier d'expression et de religion. Certains journaux jugeaient dimanche que la situation était toujours dans l'impasse. «Et la crise persiste», titrait le quotidien indépendant Al-Watan, tandis qu'Al-Tahrir, également indépendant, proclamait en Une: «Echec du dialogue de Morsi malgré l'annulation de la déclaration constitutionnelle». Le journal gouvernemental Al-Akhbar estimait en revanche que le dialogue à la présidence avait été «positif». L'armée, qui a dirigé le pays après la chute de Hosni Moubarak le 11 février 2011, a lancé samedi un appel solennel au dialogue en prévenant que faute de pourparlers, l'Egypte emprunterait «un sentier obscur qui déboucherait sur un désastre», ce que l'institution militaire «ne saurait permettre».