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L'Algérie doit miser sur le savoir
LES RENTIERS ARABES DE L'OPEP EN SURSIS
Publié dans L'Expression le 15 - 12 - 2012

De 1965 à 1978, tout le tissu industriel réalisé et qui sert encore de nos jours l'a été avec une rente de 22 milliards de dollars. Depuis, nous avons reçu plus de 700 milliards de dollars et les réalisations sont marginales ne créant pas de richesse
«J'aime bien les Arabes parce que, quand ils n'ont pas de travail, ils en profitent pour ne rien faire, ce qui fait qu'ils ne perdent jamais bêtement leur temps.» Georges Wolinski
Il y a quelques jours, les pays de l'Opep se sont réunis à Vienne pour décider d'un statu quo concernant la production de pétrole «Nous allons maintenir» le plafond de production actuel, fixé à 30 millions de barils par jour (mb/j) pour l'ensemble des 12 Etats membres, «rien ne change à la situation actuelle», a indiqué le ministre saoudien du Pétrole Ali al-Nouaïmi à l'issue de la 162e réunion ministérielle du cartel à Vienne, son siège.
Ce plafond, adopté en décembre 2011 et reconduit en juin sans impartir de quotas individuels par pays, est cependant largement dépassé par la production réelle, puisque les 12 Etats membres pompaient en novembre 31,22 mb/j de brut au total, selon des chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Et ce, en dépit de l'effondrement de la production iranienne (-25% en un an), pénalisée par les sanctions internationales, l'Arabie Saoudite ayant gonflé son offre pour compenser et l'Irak continuant de gonfler sa production au fur et à mesure de l'essor du secteur pétrolier du pays. «Le marché est suffisamment approvisionné (...) nous produisons ce dont le marché a besoin», d'après le ministre émirati de l'Energie se disant «satisfait» des prix actuels du baril à 110 dollars. Les membres de l'Opep ont cependant prévenu dans le communiqué final de la réunion qu'ils «se tiendraient prêts à réagir rapidement à tout développement ayant un impact négatif sur le marché du pétrole».
La réalité du marché pétrolier: l'essor décisif de la technologie
L'industrie énergétique mondiale connaît, déclare Nordine Aït Lahoussine un certain nombre de transformations fondamentales. En termes de consommation, celle des pays de l'Ocde, par exemple, qui représente plus de la moitié de la consommation mondiale, baisse depuis 2005. Lorsque vous regardez les prévisions à long terme, vous vous apercevez qu'aucune projection ne permet de penser que la consommation de l'Europe, des Etats-Unis ou du Japon va se relever. Il faut donc se préparer à une baisse de la demande pétrolière. Les pays riches se sont, en effet, organisés pour dépendre de moins en moins du pétrole...(1)
C'est la même analyse que fait le journal L'Expansion: «Déjà, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique pompent davantage de brut que l'Arabie Saoudite, l'Irak et l'Iran réunis. Les Etats-Unis, portés par l'essor du schiste, pourraient même détrôner dès 2017 l'Arabie comme premier producteur de pétrole, estime l'AIE. L'Arabie Saoudite continue de compenser la chute de l'offre iranienne, minée par les sanctions internationales contre Téhéran. Et l'Irak muscle vigoureusement sa production (+20% entre février et novembre) à la faveur de l'essor du secteur pétrolier du pays. Cependant, «si les pays de l'Opep interprètent mal les besoins réels du marché et ne réduisent pas leur production en fonction, ils pourraient bien faire face à une chute des prix du baril» sous 100 dollars «dans les prochains mois», mettent en garde les experts du Centre d'études énergétiques mondiales (Cges).»
«De fait, dans un environnement économique morose, hanté notamment par les difficultés de la zone euro, la consommation mondiale de brut devrait croître faiblement en 2013 (+865.000 barils par jour selon l'AIE). Dans le même temps, la production des pays en dehors de l'Opep, dopée par le boom des hydrocarbures non conventionnels (le pétrole de schiste) aux Etats-Unis, devrait augmenter de 900.000 barils/jour. Conséquence, la demande pour le brut de l'Opep se contractera à 29,7 mbj l'an prochain selon les prévisions du cartel (1,5 mbj de moins que leur production actuelle). Face à la surabondance d'or noir, les prix pourraient décrocher, au grand dam des pays exportateurs. Dans ces conditions, «le respect du plafond devrait rester médiocre (...), chaque pays ayant intérêt à» maximiser ses revenus, tandis que l'explosion de l'offre pétrolière extérieure à l'Opep contrariera tout effort de sa part pour soutenir le marché, tempère Julian Jessop, de Capital Economics, tablant sur un baril à 85 dollars fin 2013».(2)
L'autisme et la responsabilité des pays producteurs de pétrole
Faisant comme s'ils n'étaient pas concernés et apparemment autistes, les pays producteurs décident comment garder leur rente en maintenant un niveau de production qui ne fasse pas chuter les prix. Pendant ce temps, 32 milliards de tonnes de CO2 vont dans l'espace, soit l'équivalent de 5 tonnes par habitant/an. Il faut cependant distinguer entre les 20 tonnes du citoyen américain, et les 45 tonnes du Qatari qui gaspille en 4 jours ce que consomme le Sahélien pour vivoter en gros une année! Et c'est à ce pays que l'on confie les destinées de la planète en ce qui concerne la moralisation de la consommation d'énergie. A Qatar, les 190 délégations se sont agitées et ont consommé pour leur déplacement en avion et leur séjour dans l'émirat de la démesure, en 15 jours, la consommation d'un Africain en une année. Malgré les réticences des climato-sceptiques, il semble établi que l'activité humaine est en grande partie responsable du réchauffement climatique. Dans cet ordre, les données sont accablantes pour les pays industrialisés: entre 1900 et 2004, plus de 850 milliards de tonnes de CO2 ont été envoyées dans l'atmosphère créant un effet de serre responsable de ce réchauffement climatique. Les pays du Sud rendent ceux du Nord responsables de la débâcle climatique et demandent de l'aide pour les «pertes et dommages» en vue de faire face au changement climatique. (3)
La réalité de l'Opep, une organisation de rentiers au service des Occidentaux
Petite rétrospective: l'Opep des années 60, Organisation se battant pour la souveraineté des pays membres et pour un juste prix du pétrole a vécu. Son heure de gloire a été vécue au début des années 70 et à cette époque chacun reconnait le rôle moteur de l'Algérie qui, bien qu'avec une production de 10% de celle de l'Arabie Saoudite, influait sur les décisions à telle enseigne que c'est Belaïd Abdesselam et Zaki Yamani qui étaient les porte-parole pour justifier le relèvement des prix du pétrole auprès des pays occidentaux. Forte de l'aura de la Révolution et de sa détermination, l'Algérie menait un véritable militantisme et oeuvrait d'une façon constructive au sein de l'Opep, elle était à l'époque, aussi influent que l'Arabie Saoudite ou l'Iran. Avec ces deux pays, nous avions une influence considérable sur les prix. Les revenus avaient été multipliés par 15. De 1965 à 1978, tout le tissu industriel réalisé et qui sert encore de nos jours l'a été avec une rente de 22 milliards de dollars. Depuis, nous avons reçu plus de 700 milliards de dollars et les réalisations sont marginales ne créant pas de richesse 1974: Henry Kissinger décide de la création de l'AIE dont le but avoué était de casser l'Opep. Résultat des courses, dix ans plus tard malgré tout ce que l'on peut raconter, l'Opep a cessé d'être influente, elle a perdu son marker crude: l'Arabian Light, elle se permet de suivre fidèlement les injonctions. On aurait pensé que cette organisation tiers-mondiste allait disparaître avec le siècle, il n'en fut rien, car elle a changé de vocation: elle est chargée de discipliner les membres récalcitrants et appliquer les décisions des pays industrialisés. Le pays qui joue le rôle de gardien est sans conteste l'Arabie Saoudite qui fait ce qu'elle veut (les pays du Golfe le suivant). Actuellement, elle est en train de compenser- sur instruction de ses supérieurs- le pétrole iranien amputé de 25%. Ce pays participant dans une réunion surréaliste aux côtés des pays du Golfe au maintien du quota pour que le prix ne s'effondre pas. Il est pratiquement sûr que l'abondance du pétrole hors Opep va affaiblir l'Opep, voire la faire disparaitre et avec elle les pays rentiers. Ce qu'il faut savoir, exception faite de l'Iran, les pays musulmans arabes de l'Opep, c'est le désert du savoir: 1 publication par million d'habitants, en Europe 55 et aux Etats-Unis 100. Cherchez l'erreur!!
Et l'Algérie dans tout ça?
Dans une interview décapante et sans concession, M.Aït Lahoussine, ancien vice-président de Sonatrach, ancien ministre de l'Energie: «Pour ce qui est de l'Algérie, s'il y a un fait sur lequel j'insisterai, c'est que notre production d'hydrocarbures est en train de baisser. Ceci intervient à un moment où la demande mondiale connaît un certain fléchissement, compte tenu de la situation économique et de la récession à travers le monde.
Le fait est là: l'exportation de notre richesse en hydrocarbures - pétrole et gaz - représente toujours plus de la moitié de notre produit national brut (PNB). En Norvège, par exemple, cette part n'est que de 25%.
La moitié de la richesse produite dans l'année provient des hydrocarbures. C'est la preuve que notre économie n'est pas diversifiée. Nous restons toujours tributaires du cours du pétrole: si le cours du pétrole chute, c'est tout le pays qui risque de se trouver par terre. Quant aux recettes d'exportation des hydrocarbures, elles atteignent 95%, voire plus, du total des recettes! Aujourd'hui, les USA ont trouvé tellement de shale gas qu'ils envisagent de l'exporter sous forme de gaz liquéfié ou GNL. Depuis, les Etats-Unis ont installé une vingtaine de projets de liquéfaction destinés à l'exportation. En fait, il se dit qu'à l'horizon 2020-2025, les USA exporteraient 60 à 70 millions de tonnes de GNL, tout le problème est donc là: est-ce qu'on est conscient de ces changements? Est-ce qu'on les prend au sérieux et est-ce qu'on s'y prépare sérieusement?» (...) L'on parle chez nous de l'éventualité d'une production de gaz de schiste comme si on avait le choix de nous en passer. Nous sommes dans l'obligation d'y aller.
Monsieur Aït Lahoussine a sans doute raison sur l'argumentaire visant à montrer que l'Algérie continuera à se tenir le ventre chaque fois que le prix du pétrole descend au-dessous de 100 $. C'est-à-dire que notre loi des finances est indexée sur le bon vouloir du marché et de ceux qui le manipulent. Là où je suis totalement opposé à sa vision sur la fuite en avant qu'il prône en appelant à aller vers l'exploitation des gaz de schiste. C'est un très mauvais signal qu'ils donnent aux Algériens,en les incitant au farniente: «Le gaz de schiste veillera sur votre paresse et gabegie.»
Il est aussi dans son rôle si l'on se place dans une perspective capitaliste qui est celle de la gestion de l'offre et de la demande de flux d'énergie dont il faut maximaliser les prix, mais la situation de l'Algérie fait appel en plus à d'autres paramètres qui sont ceux de donner une perspective réaliste non pas basée sur le «il y a qu'à». Ces analyses de stratèges installés physiquement et idéologiquement à dix mille lieux ne perçoivent pas la réalité d'une Algérie profonde qui peine à se redéployer. Il est inconvenant de notre point de vue, de surfer sur le magister dixit occidental qui veut que le gaz de schiste, c'est le rêve!
J'aurai voulu pour ma part que M. Aït Lahoussine porte de la voix - au vu de son magister moral et intellectuel - avec moi et tous les besogneux qui sont restés au pays pour entretenir la flamme de la science, pour dire basta! Il faut aller vers une stratégie énergétique basée sur le savoir authentique qu'il faut développer à marche forcée. Seuls des états généraux sur le futur de l'énergie pourront nous donner une perspective pour les générations futures. L'Université doit être au coeur de ce combat.
Le futur: place à l'intelligence
Le monde change à toute vitesse à la fois d'une façon scientifique et il est fort probable que le marché de l'énergie va changer avec l'apport de nouvelles sources d'énergie, le développement accéléré et rentable du renouvelable, comme à titre d'exemple cette invention d'une société israélienne de biotechnologie qui affirme pouvoir remplacer les énergies fossiles par des eucalyptus à croissance rapide. Le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Indonésie et la Chine pourraient accueillir d'immenses plantations d'eucalyptus génétiquement modifiés poussant 40% plus vite que la normale, dont le bois pourrait servir à la fabrication de papier, de carburant ou de granulés pour centrales électriques. Les eucalyptus génétiquement modifiés produiraient près de 104 m3 de bois par an et par hectare, à comparer à une moyenne de 80 m3 pour l'ensemble des bois destinés à la production d'énergie au Brésil.(4)
D'autre part, une étude américaine nous apprend que le futur de l'Europe notre partenaire de proximité est problématique et que le monde se réorganisera. Nous lisons: l'Europe ne se désintégrera pas et restera une grande puissance en 2030, mais la question essentielle est de savoir si l'UE s'investira collectivement dans l'avenir, d'après un récent rapport américain de renseignements qui envisage trois scénarios possibles pour l'Union: le déclin, l'effondrement ou la renaissance. En 2030, l'Asie aura dépassé l'Amérique du Nord et l'Europe en termes de puissance mondiale, sur la base du PIB, la taille de la population, des dépenses militaires et l'investissement technologique. Seule la Chine considérée comme le pays ayant probablement la plus grande économie, dépassera celle des Etats-Unis quelques années avant 2030. Outre la Chine, l'Inde et le Brésil, les acteurs régionaux tels que la Colombie, l'Indonésie, le Nigeria, l'Afrique du Sud et la Turquie deviendront particulièrement importants pour l'économie mondiale.» (5)
«Pendant ce temps, les économies de l'Europe, le Japon et la Russie sont susceptibles de poursuivre leurs lents déclins relatifs. Mais le glissement du pouvoir national peut être éclipsé par un virage encore plus fondamental dans la nature du pouvoir, affirme le rapport. «Validé par les technologies de communication, le pouvoir se déplacera vers les réseaux multiformes et amorphes qui formeront à influencer les actions des Etats. Les pays disposant des fondamentaux les plus solides - PIB, la taille de la population, etc. - ne seront pas en mesure de s'imposer sauf s'ils apprennent également à utiliser dans les réseaux et les coalitions dans un monde multipolaire. La demande de nourriture augmentera d'au moins 35% d'ici 2030 alors que la demande pour l'eau va monter en flèche de 40%. Près de la moitié de la population mondiale vivra dans des zones subissant un stress hydrique sévère. Les Etats fragiles d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient vont souffrir, mais la Chine et l'Inde aussi. De nombreux pays n'auront probablement pas les moyens d'éviter les pénuries de nourriture et d'eau sans une aide massive de l'extérieur.» (5)
Nous sommes avertis. Ce n'est pas le fait de s'accrocher à une organisation moribonde qui nous sauvera. Un cap mobilisateur, une formation et une recherche de qualité sont les seules défenses immunitaires et non les gaz de schiste qui nous permettront de conjurer le mauvais sort. Vouloir coller à l'Opep, une organisation moribonde, ne nous apportera rien. Notre avenir est ici et maintenant C'est tout le souhait que nous appelons de nos voeux.
1. Nordine Ait Laoussine «Gaz de schiste: nous sommes obligés d'y aller» Le Soir d'Algérie
2. http://lexpansion.lexpress.fr/economie/l-opep-condamnee-a-reduire-sa-production-pour-soutenir-les-prix-du-petrole_364909.html
3. C. E. Chitour: Le fiasco des négociations climatiques à Doha L'Expression 10.12.2012
4. John Vidal: Des arbres OGM dans votre moteur: The Guardian 12 Décembre 2012
5. http://www.euractiv.com/node/516594? utm_source=EurActiv+Newsletter&utm_campaign=3b5fa42221-newsletter_dernieres_ infos&utm_medium=email 13 décembre


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