Le régime syrien perd « de plus en plus » le contrôle du pays et une victoire de l'opposition dans ce conflit n'est pas à exclure, a estimé jeudi un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov. «En ce qui concerne la victoire de l'opposition, on ne peut pas l'exclure, et, malheureusement, il faut regarder les choses en face: le régime et le gouvernement syriens perdent de plus en plus le contrôle du pays », a déclaré M. Bogdanov, cité par l'agence Interfax. C'est la première fois qu'un haut responsable russe reconnaît de manière aussi explicite une possible victoire des opposants au régime de Bachar al-Assad, dont Moscou est l'un des derniers soutiens. Cet aveu a été commenté avec un brin de sarcasme par la diplomatie américaine. « Nous voulons louer le gouvernement russe pour s'être finalement réveillé à la réalité et reconnaître que les jours du régime (syrien) sont comptés », a déclaré avec ironie la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland. Le vice-ministre Bogdanov a toutefois souligné que Moscou allait « insister pour faire appliquer le communiqué de Genève et chercher une solution pacifique au conflit ». Il faisait référence à l'accord sur les principes d'une transition politique en Syrie adopté le 30 juin à Genève par le Groupe d'action sur la Syrie. Le ministre a également jugé que la reconnaissance cette semaine de la Coalition de l'opposition syrienne par les Etats-Unis -- qui ont emboîté le pas à la France ou la Turquie -- n'avait fait qu'encourager les contestataires du régime. « La reconnaissance de l'opposition, la formation de combattants rebelles et les armes venant de l'étranger ne font qu'encourager l'opposition », selon M. Bogdanov, cité par l'agence Ria Novosti. La Russie prépare aussi l'évacuation de ses ressortissants en Syrie. « Nous examinons actuellement une éventuelle évacuation. Nous avons des plans de mobilisation et essayons de déterminer où se trouvent nos ressortissants », a déclaré M. Bogdanov. Même si l'opposition syrienne devait l'emporter, le conflit pourrait durer encore des mois et faire des milliers de victimes, a prévenu M. Bogdanov, s'adressant aux opposants syriens dans un langage peu diplomatique. « Ils (l'opposition) disent contrôler 60% du territoire syrien, mais nous leur disons, si vous voulez continuer, il vous reste encore 40% » du pays à contrôler, a expliqué M. Bogdanov. « Si (vous avez pris) 60% en deux ans de guerre civile, il vous faudra encore un an demi. Alors que 40.000 personnes ont été tuées jusqu'ici, la poursuite du conflit va se durcir, et vous allez perdre des dizaines, peut-être des centaines de milliers personnes », a-t-il averti. Et de s'interroger: « Si c'est le prix à payer pour renverser le président et que cela vous va, que pouvons-nous faire? ». « Nous pensons bien entendu que c'est totalement inacceptable », a souligné M Bodganov. La Russie, qui continue d'appeler au dialogue intersyrien en vue de trouver une issue pacifique au conflit, vend des armes à Damas tout en se défendant d'être l'avocat du régime Assad, comme l'a rappelé le président Vladimir Poutine en Turquie le 3 décembre. La Russie a bloqué jusqu'ici tous les projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le régime du président Assad. La Syrie est en proie à un conflit déclenché en mars 2011 par une révolte populaire contre le pouvoir qui s'est transformée en rébellion armée face à sa répression sanglante par les autorités. Les violences ont fait en 21 mois plus de 42.000 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.