Madame ignorait que son sort avait été réglé le jour où Fayçal, son amant, avait demandé au mari... le divorce! En entrant chez lui, le père de famille constate que son épouse n'avait pas passé la nuit à la maison. Il pose la question à madame qui répond qu'elle était chez Kenza, la voisine copine d'à-côté. Le tout dit sur un ton qui pousse monsieur à sortir vérifier l'assertion. Il rencontre le mari de Kenza qui donne une autre version des faits de la nuit: «Bon, ta femme est venue hier soir déposer ton jeune fils chez moi, car elle était invitée à un mariage.» Nous étions en août 2011, le 1er. Cette info va être le déclic qui mènera le mari vers le crime quelque temps après. De retour chez lui, monsieur prie sa moitié, qui a vécu avec lui seize ans et eut trois enfants, de faire ses bagages et retourner chez sa famille. «La mise à la porte» de madame se déroule sans incident. Face à Menaouar Antar, le président du tribunal criminel de Blida, l'accusé de meurtre avec préméditation et guet-apens sur la personne de son épouse, reprend tout, depuis le début. Il évoquera au passage le n° de téléphone donné la nuit où madame avait découché, l'avortement très tôt que madame avait commis et les excellentes relations conjugales depuis 1995, la nuit de noces comprise. Tout le noeud gordien se situait là... Et là, Antar, ce magistrat expert en matière de conduite de débats sereins et même houleux, avait rappelé à l'accusé que le n° d'appel sur le portable était vérifiable par le parquet, que les traces d'un avortement pouvaient être retrouvées, qu'une plainte autour du comportement douteux pouvait empêcher le sang de couler et la perte d'une vie. L'accusé parle beaucoup. Il parle même en même temps que le président qui n'aime pas cette façon de procéder. Il le dit en articulant à l'accusé, l'index sous l'oeil gauche profondément planté dans le crâne qui supporte une chevelure noire, plus noire qu'une mûre d'automne. Entre-temps, l'accusé a même mis à l'index ses enfants à qui il n'en veut nullement, car terrorisés par leur maman. D'ailleurs, au cours de l'interrogatoire, l'accusé a viré de façon inattendue et surprenante, de trois cent soixante degrés. Il a voulu, en agaçant les membres du tribunal criminel, faire admettre que le décès de sa femme était dû à un...accident: «Le soir du drame, le premier jour de Ramadhan de 2011, j'ai entendu une femme parler au téléphone. Je me suis précipité dans la cuisine où elle s'y trouvait et demandé de cesser de causer avec son amant... Fayçal», que n'a cessé de maudire le mari qui avait redit qu'en dix-sept ans d'union, aucun nuage. «Vous aurez reconnu la voix de l'appelant?» demande le juge qui est vite outré par l'accusé qui a assuré qu'elle n'avait personne pour l'appeler à cette heure de la nuit. «Ce n'était même pas sa mère qui l'avait maudite et donc ne voulait plus d'elle!», a répondu l'accusé à une question du juge. «Je vous assure que c'est au moment où elle avait commencé à crier, à m'insulter, à dire des grossièretés» avait répété Khelifa F. que Antar «gronde» à propos de la nouvelle version pondue ce jour à la barre. Et le président d'exhiber le couteau dont la lame faisait douze centimètres. Entre-temps, l'accusé avait élevé la voix et le ton. Ses gesticulations pousseront même Menaouar a avertir en guise de menace de représailles d'utiliser la loi pour le convaincre de se taire et de ne pas chevaucher la ligne jaune de la police de l'audience: -«Le tribunal criminel ne permettra plus d'écart!» L'accusé, docker de son état, était plutôt trapu et fort, tout comme la défunte épouse qui avait reçu trois coups de couteau durant la scène du meurtre (ou de l'accident, selon Khelifa). Un Khelifa complètement bouleversé au point où, à un moment donné, il avait voulu jouer au... malade mental, mais vite stoppé dans ses intentions par le juge à qui personne ne l'a «joué» face à lui, surtout qu'il est certes, réputé sévère, rigoureux, mais juste et plus qu'honnête. Et Khelifa l'apprendra à ses dépens. Les plus forts moments du procès se situèrent lors de l'interrogatoire, de l'audition des témoins et des membres des familles éprouvées par ce drame. Maître Chérif Chorfi, Maître Djamel Boulfrad et Maître Mohammed Bounineche se livrèrent un combat sec, mais légal et plus de deux cents questions avaient été posées par les défenseurs qui n'ont rien laissé traîner comme zones d'ombre surtout que Khelifa R. n'a pas franchement aidé dans la résolution des problèmes posés par certaines questions. Ce qui est certain, c'est que madame n'est jamais tombée au-dessus du mari qui tenait un long couteau, car il n'y aurait eu qu'une seule blessure. Or, Maître Chorfi a relu, ligne par ligne, le certificat médical du légiste où cinq profondes blessures ont été comptées par le tribunal criminel qui avait vite fait de saisir le fait que Khelifa a tué sur un coup de sang en préparant le couteau et surtout voulait l'égorger. La preuve, la profonde cicatrice laissée sur la joue gauche jusqu'à la trachée artère et la carotide. Quant aux coups portés sur l'omoplate, sur le bras gauche et dans le dos, ils proviennent probablement lors de la tentative de fuite de la pauvre femme, partie jeune, emportant avec elle le terrible secret de sa liaison avec ce Fayçal qui lui aurait fait un bébé vite descendu lors d'un avortement dont seuls les enfants de Khelifa avaient l'info, selon un avocat. Puis tout ira très vite: le tribunal criminel avait ramassé le maximum d'infos pour les délibérations qui ne s'éterniseront pas. Le verdit, même si la peine capitale n'a pas été prononcée selon le «voeu» du parquet, s'est arrêté aux vingt ans de réclusion criminelle pour meurtre avec préméditation avec retenue de circonstances atténuantes. R. Khelifa a égorgé et lardé le corps de son épouse qu'il soupçonnait d'adultère. Rien que cela. La partie civile est plutôt satisfaite. Le papa, lui, a eu l'occasion de serrer très fort sa cadette qui pleurait, pleurait, pleurait...