La pièce est une mise à nu du système, où pour accaparer le pouvoir, les politiques sont capables de tout faire, quitte à mentir et même à promettre l'impossible. Les planches du Théâtre national algérien ont vibré, le week-end dernier, avec trois représentations de la pièce Tchoutche, une oeuvre de l'association des amis de Rouiched, sur une idée de Mutapha Ayad. Tchoutche se veut un ras-le-bol des artistes quant à leur situation alarmante. Tchoutche c'est aussi une dénonciation de tous ceux qui considèrent que l'Algérie est devenue la «propriété privée» des dirigeants devant le silence complice de tous les gouvernements qui se sont succédé. D'une manière caricaturale, le spectacle retrace les élucubrations d'un homme vivant dans un monde propre à lui. Un monde fait de chimères et d'illusions. Artiste de bas-fond, Tchoutche, dit le Prince, se voyait comme une star. Une étoile qui tardait à briller. Devenir une grande personnalité, c'était l'objectif fixé par cet artiste. Une très grande et influente personnalité. En poussant plus loin, une personnalité qui détiendrait le trône d'un royaume utopique. Faute de l'existence dudit royaume, il rêvait d'être «simplement» le président de la République. Loundja, sa femme, lui annonce une nouvelle qu'il attendait depuis fort longtemps. Il fera partie des invités spéciaux du président de la République. Tchoutche ferme les yeux et savoure déjà tous les moments de cette rencontre. Il en fait tellement une fixation que le rêve devient réalité. Une réalité partagée avec sa femme qui se voyait devenir l'épouse du meilleur ami du Président. Il s'imagine déjà aux côtés du premier magistrat du pays. Dans une effervescence phénoménale, il erre de fabulation en fabulation et se pose un tas de questions auxquelles il ne trouve pas de réponse. Un point commun finira par naître chez l'artiste et nos gouvernants, celui de vouloir s'approprier les biens d'autrui. La pièce est une mise à nu du système, où pour accaparer le pouvoir, les politiques sont capables de tout faire, quitte à mentir et même à promettre l'impossible. Malgré l'énergie déployée des trois protagonistes, la pièce manquait de rebondissements et frisait l'ennui. Sans juger la forme et le fond de la pièce, le jeu de scène manquait de professionnalisme. La pièce pouvait être jouée d'une manière suffisamment accrocheuse, sensible et imagée, sans que les comédiens aient à user de la langue de la rue. La pièce gagnerait, théâtralement parlant, en intensité avec plus de pudeur sur les mots. Une musique loin d'être appropriée au sujet lui-même, un décor dérisoire, un jeu de scène médiocre, en somme le public s'attendait à un spectacle d'un autre niveau. Un niveau plus appréciable. Zahir Bouzrar, le metteur en scène, à travers le style de jeu de ses comédiens (Mustapha Ayad, Souad Sebky et Amel Menighed) cherchait à donner les mêmes formes que celles de la célèbre pièce Ubu roi, d'Alfred Jarry, mais le résultat laisse à désirer. Quoi qu'il en soit, la pièce a arraché, mercredi dernier lors de la générale, des sourires, même des fous rires au public, constitué en gros d'artistes et amis de Rouiched.