Il nous faut prioritairement nous pencher sur le système éducatif qui est en miettes, sur l'université qui est moribonde. «Nous devons accepter le changement mais conserver nos principes.» Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis d'Amérique Un rapport du think Tank Nabni acronyme de "notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées" va être présenté ce samedi 26 janvier, utilisant l'image du Titanic, les chercheurs estiment que seule l'application de ce "projet global" permettra à l'Algérie d'amorcer le "grand virage" nécessaire pour éviter l'iceberg et risquer de couler. J'ai eu l'occasion d'assister à une émission de "Question d'Actu" présentée d'une façon magistrale par M. Ahmed Lahri, le 9 juillet 2012. Ces brillants "quadras" ont présenté une vision généreuse de l'avenir. A travers "Cent mesures pour l'émergence d'une Algérie nouvelle". J'avais fait l'éloge de cet exercice intellectuel désintéressé et j'avais attiré leur attention sur la dimension du projet de société préalable à toute construction sociale. J'avais aussi fait remarquer qu'il est nécessaire de porter la bonne parole partout où elle peut être entendue, non seulement aux tenants du système du pouvoir, partis politiques, mais aussi à la société civile, aux universitaires, aux intellectuels et aux universitaires qui font marcher l'Algérie Dans une interview donnée au Courrier d'Algérie, M.Zoubir Benhamouche, diplômé de l'Ensae explicite globalement le contenu. Nous l'écoutons: "Le rapport Nabni 2020 élabore une stratégie de développement économique et social. Pour chacun des cinq thèmes (économie, éducation, santé, gouvernance et "vivre ensemble"), nous avons identifié ce que nous avons qualifié de "leviers de rupture", c'est-à-dire des axes de réforme sur lesquels agir pour atteindre les objectifs assignés. Il faut bien garder à l'esprit que ces leviers contiennent des innovations majeures en matière de politique publique. Ainsi, notre souci constant a été de proposer une nouvelle approche, non seulement en termes de mesures à prendre, mais également la manière de mener les politiques publiques. Notre démarche est nouvelle dans le sens où nous proposons un projet global composé d'un ensemble cohérent de réformes qui ne peuvent être pensées les unes indépendamment des autres". (1) M.Zoubir fait appel aussi dans sa démarche au secteur privé: "On ne peut pas concevoir de créer de la croissance sans penser, non seulement aux politiques à mener pour favoriser le développement du secteur privé, mais également lui offrir les qualifications dont il a besoin, le cadre réglementaire et l'environnement des affaires idoines, un accès au financement, des incitations à l'exportation, un appui de l'Etat, etc. Mais nous sommes également conscients que cette croissance tant espérée doit profiter rapidement au plus grand nombre pour maintenir une forte cohésion sociale et une adhésion aux réformes. C'est pour cette raison que nous avons un ensemble de mesures qui visent à permettre aux citoyens de profiter des opportunités qu'offrira cette croissance, en développant leurs capacités à trouver des emplois, se former, bénéficier d'un meilleur système social etc. Pour que ceci soit possible, la modernisation de l'Etat et le renforcement de ses capacités s'avèrent un impératif majeur, tout comme l'amélioration significative de la gouvernance publique, talon d'Achille de notre pays".(1). L'économiste conclut en insistant sur la nécessité d'un débat: "Nous voulions créer un débat public serein sur les défis de développement que doit relever notre pays. Nous sommes convaincus que l'Algérie a les potentialités nécessaires pour se soustraire à une dépendance excessive aux hydrocarbures, et nous devons le faire dès maintenant, alors que nous avons les ressources financières nécessaires pour rendre le coût des réformes plus supportable. Si nous tardons trop, non seulement les ajustements à opérer auront des coûts sociaux prohibitifs, mais nous aurons beaucoup plus de mal à rattraper notre retard de développement. Si au contraire, nous décidons de mettre fin au report perpétuel des "vraies" réformes, alors au contraire, les hydrocarbures seront un tremplin pour le progrès, et un formidable accélérateur de notre développement économique et social. (...) Après le 26 janvier, nous nous attellerons très concrètement à engager le dialogue avec le plus grand nombre de nos compatriotes pour arriver ensemble à montrer que l'avenir n'est pas forcément sombre, montrer qu'un autre futur est possible si une véritable stratégie de développement au service des citoyens est mise en oeuvre.(1) La même approche est donnée par Rostane Hamdi, l'un des animateurs du groupe Nabn.i "Le rapport Nabni 2020 ambitionne de proposer une vision pour l'Algérie à l'horizon 2020 et un programme de chantiers structurants permettant d'inscrire l'Algérie dans le chemin. Le groupe Nabni propose au débat public un ensemble de propositions dans les cinq domaines suivants:I. Développement économique et création d'emplois; II. Education, savoir et innovation; III. Santé, protection sociale et lutte contre la précarité; IV. Vivre ensemble: villes, urbanisme et culture; V. Gouvernance de l'Etat et des institutions Ce qu'il faudrait, le pensons-nous, c'est d'inscrire ces 100 mesures dans un ensemble plus vaste d'états généraux sur des sujets structurants l'avenir du pays. Il nous faut concomitamment faire émerger de nouvelles légitimités avec la résolution des problèmes de fond concernant le projet de société auquel peut prétendre l'Algérie. Qu'est-ce qu'être Algérien au XXIe siècle Comment rebondir en prenant appui sur un certain nombre d'invariants qui sont ce que nous sommes. Ces domaines embrassent globalement les attentes, mais il nous semble que l'ordre de traitement serait à revoir. Il est impossible de parler d'économie, de développement sans le préalable d'abord de projet de société. Le 5 juillet 2012 sera une date symbolique dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Plaidoyer pour un vrai changement en douceur "Cinquante ans après l'Indépendance, écrit Hocine Lamriben, l'Algérie patine sur le plan économique et social. Si le statu quo actuel en termes de gouvernance publique et de politique économique se poursuit, à l'horizon 2020, notre pays pourrait avoir quasiment siphonné ses réserves de change. Selon un scénario probable où les prix du baril se maintiendraient mais nos exportations d'hydrocarbures baisseraient face à une production stagnante et une consommation énergétique nationale en croissance, le plus inquiétant est que notre pays pourrait se retrouver en situation de devoir affronter ces graves crises avec des institutions très affaiblies..." Un tel cas de figure, ajoute-t-on, "est loin d'être improbable, et il sera le fruit de notre incapacité à construire une vision pour notre pays, réformer nos institutions et définir une stratégie de développement inclusive, ambitieuse et globale". Le projet qu'elle propose s'articule autour de "cinquante chantiers de rupture" dans les politiques publiques, dans les domaines économique, social, éducatif, urbain, culturel et de santé publique, le tout basé sur des réformes fondamentales de la gouvernance et des institutions de l'Etat.(2) Par les autres sujets complémentaires de cette étude, il nous faut citer la corruption. Il y a nécessité de mettre en place une charte administrative qui moralise les relations de travail avec les droits et les devoirs de chacun. Le renforcement du rôle des Conseils d'éthique et de déontologie dans chaque type d'administration permettra de renforcer les capacités éthiques et déontologiques de la presse écrite et sa crédibilité auprès du public. Les droits et devoirs de chacun: la nécessité de rendre compte quel que soit le niveau de responsabilité même après la fin de mission et enfin l'indépendance réelle de la justice. Il nous faut aussi prioritairement nous pencher sur le système éducatif qui est en miettes, sur l'université qui est moribonde. A titre d'exemple, l'auteur de ces lignes a fait partie du Conseil national de l'éthique et de la déontologie et à ce titre, il a contribué à La Charte universitaire, instrument incontournable qui permet d'éviter la gangrène de l'Université, le plagiat, les faux diplômes. Réhabiliter la science et le savoir contre l'emprise de l'administration et son immixtion dans les affaires de pédagogie, (notes, examens, délibérations). Cette charte est remisée dans un tiroir laissant ainsi se perpétuer des affaires scabreuses où les chefs d'établissement déposent plainte à la Cour suprême contre leurs enseignants coupables de ne pas obéir aux injonctions amenant à des dérives. Par ailleurs, le changement économique est un processus long où l'on ne peut pas y rentrer par effraction, mais par un sacerdoce, un travail de la sueur et de l'intelligence..., que la démocratie est une culture qui prend du temps à se construire. Si nous devons nous comparer aux pays arabes, nous avons fait la moitié du chemin vers la démocratie, mais nous sommes au milieu du gué. Nous avons quitté la berge de l'intolérance, mais nous n'avons pas encore abouti. Ce qui précisément bloque le progrès dans notre pays c'est le manque de libertés économique, politique et sociétale. Justement à propos de changement pour Zoubir Benhamouche, l'un des rédacteurs du Think Tank Nabni, la société doit intervenir d'une façon soft: "Sans pression" citoyenne du peuple, il y a très peu de chance que le régime se réforme suffisamment pour engager le pays dans une dynamique vertueuse de modernisation de nos institutions et de notre économie. La refondation de la société civile, via notamment les instruments que j'ai décrits dans l'article précédent, est donc une condition nécessaire. (...) La réalité du terrain suggère de faire preuve de pragmatisme. On ne pourra pas basculer du jour au lendemain vers une situation idéale. Une période de transition s'avère nécessaire". "Il nous faut, conclut Zoubir Benhamouche, un consensus national autour d'une figure politique qui doit jouir d'une popularité et d'une intégrité suffisantes. Pour finir, quel que soit le scénario, il faut inscrire une vision de l'Algérie à l'horizon de 5 et 10 ans, dans les domaines économique, social et institutionnel. Le changement économique est difficilement réalisable sans changement de la gouvernance publique. Encore quelques années de blocage comme celles que nous venons de vivre et on aura atteint un point de non-retour. La métaphore du Titanic pour traduire la situation dangereuse dans laquelle se trouve l'Algérie". (3) Il est vrai que pour le moment, nous sommes installés confortablement dans les temps morts, non seulement nous n'avançons pas, mais de plus on ne demande pas des comptes à ceux qui ont géré. A titre d'exemple, quand un ministre est limogé en Algérie, il rebondit rapidement pour s'assurer une retraite dorée. Où en sommes-nous alors? Sommes-nous à ce point sous-développés que l'on s'enflamme à titre d'exemple, pour une équipe de football constituée à 90% de joueurs évoluant à l'étranger; quand des parents d'élèves encouragent leurs enfants à aller dans les clubs de foot, au lieu de chercher la meilleure école qui ne constitue plus un ascenseur social. Quand un joueur, et à un degré moindre, un chanteur gagne en une "prestation" ce que gagne un professeur d'université en une vie, il y a quelque chose de détraqué dans la machine Algérie. Pour la première fois... On peut, peut-être, reprocher à l'étude faite d'être trop ambitieuse et d'oublier les fondamentaux qui sont d'abord et avant tout de réconcilier le peuple algérien avec son histoire et à la nécessité pour lui d'être fasciné par l'avenir sans rien perdre de ses repères identitaires. Ce qui est sûr, c'est que pour la première fois des jeunes universitaires se sont emparés d'une façon désintéressée du destin du pays pour contribuer à l'améliorer. Ils se sont réunis, ont débattu, chacun venant d'horizons divers, mais ayant en commun, à la fois l'amour du pays, mais aussi la légitimité scientifique. En effet, le préalable identitaire pluridimensionnel est un socle rocheux incontournable, il permettra à n'en point douter à l'Algérienne et à l'Algérien, fascinés par l'avenir de se sentir pleinement Algérien du Nord au Sud et d'Est en Ouest dans un monde de plus en plus dangereux où de fait, l'Algérie avec sa profondeur stratégique, neuvième pays au monde, et premier pays d'Afrique par sa superficie après la curée concernant le Soudan en 2011, est une proie pour un nouveau partage du monde qui se dessine et des slogans à l'ancienne n'ont plus cours, pour cimenter ce pays. Il nous faut réhabiliter l'effort, le mérite et place à la légitimité du neurone. Les soporifiques du football et des émissions de divertissement qui n'ont rien de culturel, ajoutées aux émissions cultuelles sans discernement feront de nos jeunes des zombies prêts à l'émeute à la première étincelle. Apprenons leur l'effort, la réalité du monde. Pour cela, il est indispensable pour que la démarche soit crédible que l'exemple vienne d'en haut mais ceci est un autre histoire. Il nous faut en permanence avoir en tête l'esprit de Novembre, que nous sommes un peuple qui a une histoire d'au-moins trois millénaire et qu'il faut tout le temps actualiser avec les outils du XXIe siècle, qui sont le savoir, l'audace scientifique et technologique est un désir d'être ensemble pour constituer une nation qui devrait, selon le bon mot de Renan: "Un plébiscite de tous les jours". 1. http://lecourrier-dalgerie.com/zoubir-benhamouche-economiste-et-membre-de-nabni-au-courrier-dalgerie/ 2. H. Lamriben: L'économie algérienne face à deux scénarios... El Watan le 24.01.13 3. http://www.algerie-focus.com/blog/2012/ 11/28/interview-de-zoubir-benhamouche-algerie-limpasse-un-an-apres-2/