Alors que le gouvernement tunisien tarde depuis plus d'un an au lancement d'une Haute autorité de l'audiovisuel, qui serait chargée de délivrer les autorisations de nouvelles télévisions privées, la Tunisie a vu le lancement de la première chaîne islamiste Zitouna TV. C'est aussi la première télévision islamiste dans le Maghreb. Cela fait plusieurs semaines qu'elle a été lancée et voilà déjà qu'elle fait les news, puisque le correspondant régional à Nabeul de la chaîne Zitouna TV, Nabil Hajri, aurait été violemment agressé par des inconnus à l'arme blanche au niveau du cou, du visage à la poitrine et au ventre, au cours de la journée du lundi 4 février. La direction de la chaîne a affirmé que l'état de santé de son correspondant est toujours jugé critique. Ce dernier a été blessé avec une épée. Les agresseurs ont dérobé tout le matériel que le journaliste avait sur lui. Pour les observateurs tunisiens qui voyaient d'un mauvais oeil l'arrivée d'une télévision islamiste, cette nouvelle n'est pas bonne pour la réputation des opposants à ce projet. Zitouna TV est bien installée dans son QG, dans la zone industrielle de Charguia, à Tunis. Lancée il y a huit mois seulement, Zitouna (l'olive) est en train de bousculer le paysage audiovisuel tunisien déjà très marqué par la révolution du Jasmin et la montée en puissance de télévisions libérales. Pour Sami Essid, cofondateur de la chaîne avec Oussama ben Salem, la ligne éditoriale de la chaîne est bien claire: Zitouna TV est une chaîne généraliste conservatrice, destinée à la famille tunisienne. Pas d'images qui nuisent aux traditions musulmanes tunisiennes. Dans l'équipe, plusieurs membres ont fait leurs débuts sur Momkin TV, une web-télé lancée sur Facebook en février 2012 par l'Union des pages révolutionnaires à tendance islamiste. Momkin TV a fini par fusionner avec le projet Zitouna. Diffusée par satellite depuis Bahreïn, Zitouna est encore très active sur le réseau social, où elle compte 73.000 «fans». Au programme, débats politiques, émission sur la finance islamique ou retransmission d'un mariage collectif: la télé, au design très vert comme le drapeau saoudien, fonctionnait jusque-là au compte-gouttes mais doit se doter, au cours du mois, d'une véritable grille de programmes avec plus de quinze émissions. Elle aura même son JT quotidien, juste avant 20 heures. Les programmes religieux, «encore à l'étude», représenteront «15 ou 20% du temps», souligne Sami Essid dans une déclaration à la presse. S'inscrivant dans la droite ligne de la politique gouvernementale, Zitouna TV veut faire évoluer la société vers la modération et estime que le problème des salafistes n'est pas seulement sécuritaire, mais aussi intellectuel. Ses invités sont aussi bien des membres du parti moderniste Nidaa Tounes, qu'Ennahda. Parmi les reportages diffusés dernièrement, l'un d'eux s'intéresse aux violences policières lors d'une manifestation, un autre interroge une fillette de 3 ans, voilée, qui dit vouloir apprendre Le Coran. D'ailleurs, l'une des stars de la chaîne est une présentatrice voilée, Khaoula ben Gayesse, présentatrice de l'émission «Fi Souk». Pour beaucoup, Zitouna passe pour être «la télé d'Ennahda» car l'un des fondateurs Oussama ben Salem est le fils du ministre de l'Enseignement supérieur, figure historique du mouvement islamiste. Lui-même a été élu à la Choura, la haute assemblée du parti. Enfin, la Tunisie comme le montre si bien l'étude de Sigma Conseil, possède une quinzaine de chaînes créées après la révolution: elles ont leurs studios en Tunisie, mais diffusent par satellite depuis le Golfe. [email protected]