L'accord, qui porte sur trois revendications essentielles, a été qualifié d'«historique» par Saïd Sadi. Le miracle qui a fait s'asseoir autour de la même table des courants traditionnellement inconciliables semble avoir été provoqué par la gravité de la situation et l'urgence de la riposte devant en découler. Un document, qualifié d'«historique» hier par le président du RCD, a pu être signé après trois laborieux jours d'un conclave non stop, qui n'a pris fin qu'à une heure indue de la soirée. Ainsi, ont pu tomber d'accords entre eux sur trois points de revendication essentiels, Ali Yahia Abdenour, président de la Laddh, Rachid Benyellès, général à la retraite, Mouloud Hamrouche, Mokdad Sifi, Ahmed Benbitour, Rédha Malek, tous anciens chefs de gouvernement, Chérif Belkacem, Ahmed Taleb Ibrahimi, président de Wafa, Ali Benflis, secrétaire général du FLN, Ahmed Dane, membre de la direction du MSP et Saïd Sadi, président du RCD. Le document, qui parle d'unir les efforts de ses signataires, ne s'adresse à aucun décideur en particulier, ce qui dénote, aux yeux de certains participants, de la maturité à laquelle est arrivée la classe politique, en décidant de se prendre en charge toute seule. En substance, tout sera mis en oeuvre dans le but d'amener le pouvoir à «remplacer le gouvernement actuel par un cabinet intérimaire consensuel chargé de la préparation des élections et la gestion des affaires courantes (...), d'installer une instance indépendante dotée de toutes les prérogatives pour instruire et contrôler l'administration (depuis l'amont jusqu'à l'aval du déroulement de la présidentielle) et, enfin, de protéger les acteurs politiques et sociaux qui manifestent leur soutien aux différents candidats et les cadres qui refusent l'allégeance...». Ces revendications, il faut le dire, sont motivées par le constat alarmant dressé par les participants à cette série de rencontres. Si la «neutralité de l'armée» est qualifiée de «salutaire» dans le manifeste, il en va tout autrement pour les autres institutions du pays. Les dépassements, au nombre de cinq, concernent tous le président de la République et son staff le plus proche, sans que celui-ci soit nommément cité. La raison en est, a-t-on pu apprendre, que le MSP, qui fait partie de la coalition, a refusé que le chef de l'Etat soit attaqué avant que le madjliss echoura se soit réuni ce week-end. Des réserves sont même soulignées à la fin de la déclaration, ce qui dénote à quel point le compromis semble avoir été difficile à trouver. Nous apprenons, à ce propos, que le MSP pourrait créer la surprise en annonçant la candidature de son président, Bouguerra Soltani, tout en évoquant l'éventualité de son retrait temporaire d'un gouvernement décrié par tous. Sur le chapelet des critiques formulées à l'adresse du pouvoir, qui font craindre le pire quant à la fraude massive risquant d'émailler la présidentielle d'avril 2004, les signataires du manifeste relèvent en des mots concis mais très forts «la transgression des principes constitutionnels, l'instrumentalisation l'administration, la vassalisation de la justice, les atteintes récurrentes au pluralisme politique à travers les agressions de militants, les actions de déstabilisation menées contre les partis politiques et la mainmise ciblant le mouvement associatif et, enfin, la confiscation des médias audiovisuels». La preuve de ce dernier point est bien l'absence des médias publics pour la couverture de cet événement revêtant une importance politique certaine, mais aussi des conséquences incommensurables sur la suite du déroulement du prochain scrutin. Ce n'est pas non plus un hasard si le quatrième point, sans citer le FLN nommément, s'appesantit longuement sur cette affaire qui, il faut le dire, se trouve derrière l'accélération notable des contacts qui ont abouti à la conclusion de cet accord. En sortant, les participants, visiblement satisfaits, ont réservé leurs commentaires pour plus tard, estimant que le manifeste se suffit à lui-même. Seul Saïd Sadi nous a indiqué que les participants sont parvenus à un «accord historique». Il est vrai que les revendications constituent une sorte de «compromis minimum» comme nous l'ont dit des sources proches du conclave. Mais le miracle est d'y être parvenu, mais aussi d'oeuvrer par tous les moyens à faire en sorte que la machine ne s'essouffle pas et que ce véritable manifeste soit suivi par des actes concrets afin de le faire aboutir sur le terrain. Reste à se demander quelle va être la réaction du premier concerné par cette sortie, à savoir le président Bouteflika. Un homme qui, bien avant d'annoncer officiellement sa candidature, vient d'essuyer un puissant tir de barrage destiné à lui faire comprendre de la manière la plus claire qui soit que le scénario de 1999 n'est pas près de se renouveler.